Je suis las. Physiquement et moralement.
Sûrement comme toi, lecteur. Les fins d’années se suivent et se ressemblent.
Durant l’enfance, les fêtes de Noël me maintenaient au moins le moral au beau
fixe. La neige sur les toits et trottoirs de ma ville, les lucarnes éclairées jusque
tard dans la nuit, les cadeaux au pied du grand conifère fraîchement coupé. Puis
vers la fin de l’adolescence, pfuiiit. Disparue la magie. Aujourd'hui,
j’attends le 1er février. Impatient. Parce que toujours un con pour
te courir après avec ses vœux en claironnant qu’il a jusqu’au 31. Au secours. L’envie
irrépressible de prendre mes jambes à mon cou. Mais il me rattrape par la
manche. Alors je lui serre la main ou lui tape la bise en espérant qu’il passe
sous une bagnole dans les douze mois à venir. Finalement, l’odeur du sapin ne
m’a pas tant quitté que ça. Bon ok, c’est Noël. Souhaitant quand même que le gars s’en sorte.
Juste une guibole au père Lachaise ou les deux. Mais ça ne marche jamais. Avec
le nombre de mains serrées et de joues léchées chaque début d’année, les culs
de jatte, ça devrait courir mes rues. Même pas.
Comment on ne désire pas le malheur
de son prochain ? M’en fous. Mon prochain n’a qu’à posséder un minimum
d’humour afin de flinguer les rituels lourdingues. Ca va finir par se retourner
contre moi, dis tu fidèle lectrice du flibustier, petit blog pourtant sans
horoscope ni prétention. Raisons pour lesquelles je me demande ce que tu fous
encore là. Je ne suis pas superstitieux. Ca porte malheur. Ouarf, ouarf. Tiens,
au passage, voilà une communauté qui me hérisse le poil. Les grands adeptes des
petites croyances. Qui te serinent avec, pour tout geste du quotidien. Toucher
du bois pour conjurer le mauvais sort, par exemple. Pensée amicale au bûcheron
qui, un beau jour, se prend son arbre sur le coin de la tronche. Mais sans
doute s’était-il levé du pied gauche. Je ne suis pas persuadé que cela fasse
s’esclaffer les unijambistes… de droite. Stop. Je passerai sous silence les
plus fanatiques qui te pousseraient sous une échelle pour éviter de croiser un
chat noir.
Ta crédulité légendaire servira toujours
de fonds de commerce aux charlatans de la voyance. Le canular préféré d’un
vieux pote. Prendre rendez-vous chez une Mme Irma de pacotille, s’asseoir en
face d’elle et lui retourner une mandale de compétition en lui demandant si
elle l’avait vue arriver. Il a stoppé net la plaisanterie. Il arrive un âge où
son record collégien du 100 mètres ne suffit plus pour semer le vrai rottweiler
de la fausse voyante, animal remarquablement dressé capable de lire dans tes
boules ou les lignes de ta main. Enfin, de ton moignon. Mais peut-être existe-t-il
de par le monde ce clown de prophète, enfin voulais-je dire cet auguste augure ?
Bien que cela me paraisse aussi improbable que de trouver un calendrier des
postes maya de 2013… Je te laisse à tes chimères. La faim de mon monde est
proche. Tant mieux, la boulangerie aussi. Ne pas oublier la bûche. Pour douze
personnes. Tu pourrais me remercier naïve lectrice en cloque. Tu ne devrais pas
être loin de la fausse couche en parcourant mes horreurs proférées. Sans quoi
nous étions treize à table.