mercredi 27 février 2013

Comme un singe en hiver


Températures sibériennes. Et cette foutue bise qui s’engouffre de partout. Sale impression d’être affublé en hockeyeur au guidon de ma bécane. Marre de jouer à l’hibernatus motardus. Les mordus de deux roues savent. L’obligation de faire tourner de temps à autre le moulin pour ne pas se retrouver en carafe de batterie aux beaux jours. Je balaie d’un doigt ganté le givre sur la visière du casque. Des fois que je raterais le come back des hirondelles. Avec ce ciel si bas qu’un motard s’est perdu, avec ce ciel si bas qu’il fait l’humidité… Hum, pardon. Je traverse au pas l’avenue principale de mon patelin. Pas âme qui vive sur les trottoirs. Calfeutrés dans leur chaumière, loin de ce biker dingue voire con gelé qui pétarade au feu, pressé de retrouver lui aussi, son home, sweet home aux vues des cumulonimbus menaçants. L’affolement des premières neiges. Comme un singe en hiver. Mais personne pour me reconduire dans ma forêt. Isolé dans la jungle urbaine. Et si je faisais une halte dans la gargote asiatique du bout de ma rue. Les gastronomes parlent de maison de passe et les vicelards de restaurant chinois. Rien qu’une heure. Sachant que je connais déjà la fin de l’histoire. Une heure seulement mais une heure durant, être beau, beau, beau et con à la fois.

M’accouder au comptoir et retrouver le matelot Esnault. Vérifier si ce dernier a fini sur la paille pour cause de non remboursement de la connerie par les assurances sociales. Puis le grand Jacques. Toujours fidèle à son public de vieux chinois et d’éléphants roses, à qui il fredonne sans cesse sa chanson à lui, sa ritournelle morose, celle du temps où il se faisait appeler Jacky. Et enfin, aller tirer le couple Quentin de sa torpeur et du lit conjugal. Suzanne Flon et le Vieux, l’archétype du bonheur rangé dans une armoire. Faire revivre, non, plutôt réhabiliter le toréador désenchanté. Gabriel Fouquet est immortel. Le demi siècle écoulé n’a pas de prise sur lui. Alors nous repeindrons le zinc aux couleurs du Yang Tsé Kiang. « Installer le printemps dans ce pays de merde ! » beuglera-t-on en chœur avec Albert. En route. Levons le camp pour l’Andalousie. Ou la Chine. Peu importe. La paella avec coquillages ou les jonques chargées d’opium, de vrais pédés, de fausses vierges. Mais toujours le même véhicule. Celui des Grands Ducs chers à Audiard. Des Princes de la Cuite. Juste oublier quelques instants les pignoufs, les boit-sans-soif et leurs putasseries. Les laisser à cent mille verres. Se prendre pour Dieu le Père, celui qui est dans l'annuaire, entre "Dieulefit" et "Dieu vous garde". Tutoyer les anges. Abandonner les lecteurs moralisateurs me reprochant une prétendue apologie de l’éthylisme. Nous connaissons. Qui a bu boira. Faut reconnaître que l’on a le proverbe contre nous. Néanmoins, bande d’aquaphiles, si quelque chose venait vraiment à manquer, ce ne serait pas le vin mais l’ivresse.

Par la suite, il sera bien temps de s’esbigner en douceur. Nous sortirons sur la banquise. Feu d’artifice improvisé sur la place du village, à défaut de plage normande. Deux pingouins m’observeront, hilares.

- Por favor Señorita, à quelle heure le train pour Madrid ? bafouillerais-je avant de m’éloigner d’un pas mal assuré.

La petite Marie Fouquet, bien emmitouflée, questionnera son jeune paternel :

- Dis P’pa, tu y crois à ses histoires de singe en hiver ?

- Je pense qu’il en a vu au moins un.


mardi 19 février 2013

Con se le dise !



Un cartel de moussaillons me taraude pour que j’ouvre une rubrique « commentaires ». Soyons clair une bonne fois pour toutes. C’est irrémédiablement non. « Y’a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis », claironnes-tu. Y’a que les renégats qui en changent comme de chemise. Vilain pointu qui finit dans la lucarne opposée et te renvoie dans tes buts avec ta sentence à la noix, mon coco. Filtrer les diatribes de chacun, séparer le bon grain de l’ivraie, répondre rapidement, etc. Bof. De plus, je supporte de moins en moins les cons. Et le con est partout. Même sur les blogs. Surtout sur les blogs. Bien ancré dans les commentaires. Alors profitons de ce nouveau scribouillage pour définir ce con qui hante la toile. Car même si tout a été dit sur le Con, le con des commentaires de blog est un concept nouveau qu’il convient de traiter avec tous les égards dus à son rang de crétin internetophile. Il n’y a rien de plus sordide qu’un con des commentaires de blog. Hormis peut-être le con des salles obscures et ses commentaires insipides d’abruti qui se croit dans son canapé familial alors qu’il occupe le fauteuil pile derrière toi. Mais je m’égare.

Le con des commentaires de blog se reconnaît par le besoin d’étaler fièrement son incommensurable connerie à la face du web. A grands renforts de « Moi, je pense », « Mon avis est le suivant », « J’ai la certitude que ». Je, je, et encore je. Un égo à en vomir. En conclusion : retournons sa propre arme contre lui. Toi le con des commentaires de blog, JE pense que tu ferais mieux de fermer TA gueule. Mais afin de restreindre le champ d’investigation, concentrons-nous sur les cons des blogs de football. Si tu parcours de temps à autre les sites dédiés au ballon rond, tu les connais forcément ces comptoirs virtuels de supporters. Les cons des blogs de foot signent leurs forfaits sur tous les posts à la gloire du roi Football Premier. Ils sont hélas facilement transférables d’un blog à l’autre. A tel point qu’un mercato des cons des blogs de foot est toujours en vigueur et ce, quelle que soit la saison. Le con des blogs de foot dispose d’une palette assez étendue de signaux pour être identifié, comme celui de ne jurer que par son équipe régionale ou nationale non pas sur le mode chambreur et sympa souvent de mise mais plutôt sur un ton patriotique et péremptoire transpirant de son clavier cocardier. Mais la « Beauf Touch » suprême du con des blogs de foot est qu’il a l’outrecuidance de penser que son avis prévaut sur celui des professionnels du foot : entraîneurs, dirigeants, joueurs anciens ou encore en activité,… Alors le con des blogs de foot distribue à la cantonade ses propres bons points, ses pronostics, sa vision économique du foot, ses choix tactiques, son onze type, etc. Le con des blogs de foot a un avis sur tout. Il a surtout un avis. De con.

Le con des blogs de foot veut être la référence, celui qui compte. Et en bon sous chef auto désigné, il juge tes commentaires ou surenchérit sur une de tes vannes (même bonne) sans que tu l’y ais invité. Il devient super lourd, à la mesure du gros con qu’il est, quand il n’appréhende pas que tu n’as aucune envie d’échanger avec lui, que tu ne seras son pote virtuel ni maintenant ni un autre jour. Le con des blogs de foot pense également être le représentant officiel du propriétaire du blog alors que ce dernier n’en a cure. S’il daigne le calculer, ce n’est que pour augmenter ses statistiques. Vulgaire collectionneur de pages visitées. Ambitionner la place de modérateur d’un expert à la con de la chose footballistique, t’avoueras, quelle carrière ! A chaque contrariété, il éructe, menace de partir, jure ses grands dieux de ne plus s'adresser à celui qui le moque, mais le con des blogs de foot persiste. Il ne lâchera pas sa place de convive d’un célèbre dîner.

Et après avoir pris connaissance de tout cela, tu souhaiterais que je saborde mon petit espace sans commentaires ! Je m’y sens bien. Tout seul. Comme un con. Parce que oui, certainement que pour le con des blogs de foot, je suis un con. Tant mieux. Etre le con d'un con. Quel panard !

mercredi 13 février 2013

Benoît XVI ou la position démissionnaire


Benoît XVI renonce. Quel con.  Sauf si le Saint Paul Emploi du Vatican ne lui permettait pas la rupture à l’amiable. J’avoue mon inculture en matière de convention collective théologique. Quand tu lâches la rampe céleste à bientôt 86 piges, faut pas rêver non plus. Le fiston de son employeur avait beau multiplier les pains et troquer la Saint-Yorre en Châteauneuf-du-pape, m’étonnerait que le pot de départ en retraite soit du même acabit. Toi lecteur, tu souris benoîtement, si j'ose m'exprimer ainsi. Futur licencié par délocalisation, je te vois malgré tout soupirer devant la nouvelle en se disant que le pontife a bien de la chance d’avoir le choix de la démission par les temps qui courent. « Envoie ton CV chez les curetons ! » te suggère ta bergère qui a fait baptiser  vos chiards par superstition et pour faire plaisir à Mémé Monique, batracien de bénitier à ses heures vespérales. Passons.

Ce serait le premier départ volontaire dans l’histoire papale : le Saint Siège serait-il devenu éjectable ? Les précédents avaient pour coutume de rejoindre la maison mère les pieds devant et la calotte en arrière. Delahousse (de siège également) et ses confrères politologues de gouttière se frottent les mains. Les gargouilles télévisuelles du Jour du Seigneur jubilent. Une élection en 2013 ! Alléluia ! Sortez les cotillons, les langues de belle mère et les nœuds pap’ (ouarf, ouarf) ! Qu’on organise des primaires, gloria in Excel 6 Deo en croisé dynamique pour les résultats ! Le dernier carré de cardinaux de dos sur leur prie-Dieu comme dans The Voice ! Le sonotone branché sur la bonne fréquence pour choper le meilleur interprète a capella du cantique des Bienheureux ! Un débat liturgique entre les deux ultimes en lice avec Frère Pujadas et Sœur Chazal comme arbitres respectant ainsi la parité si chère aux cœurs de nos ecclésiastiques.

A ce propos, bien que personnellement je m’en cogne comme de ma première communion arrosée à la Villageoise cuvée spéciale vin de messe, peut-on espérer voir accéder à la fonction suprême une papesse ? Le non révérend père Hollande va un peu vite en besogne quand il assure ne pas pouvoir présenter de candidat. J’ai ma p’tite idée. La mère sup’ Boutin. De plus, gain de temps dans le choix du pseudo. Nul besoin de lui accoler un chiffre derrière le patronyme. Nom de scène : Christineboute 1. Ou alors une black. La mode Obama appliquée au mystique. Mais je doute. Le conclave, blanc comme un cierge de Pâques, serait capable de lui affubler un nom de règne comme Pie 3.1416 uniquement pour se payer sa face. Enfin, espérons que cela soit rapide. Que la fumée blanche désigne le nouvel élu avant les œufs de Pâques. « Mieux vaut un pape à poule en chocolat qu’un petit pape à Noël ». Evangile selon Sankt Pauli, poète flibustier sans prétention. Amen.


dimanche 3 février 2013

Manif, naïf, rime riche ?


Manifestation (nom féminin) : rassemblement, défilé de personnes, organisé, en un lieu donné, sur la voie publique, ayant un caractère revendicatif ou symbolique. Ouais. J’ai voulu organiser la mienne. Un bide. Pourtant, c’était la seule cause pour laquelle j’étais prêt à me déplacer, prendre l’air au beau milieu de mes contemporains protestataires.  Abolir la Mort. Pour tous. Toi aussi, lecteur. Le minimum non négociable étant l’acharnement thérapeutique pour mes ennemis. Sacré challenge, non ? Loin devant les autres débats chimériques dont nous sommes abreuvés. Exemple : le mariage pour tous. Honorable intention, ok, mais hormis un défilé d’avocats spécialisés dans le divorce, je ne distingue pas d’autres vrais bénéficiaires. Bref. Je décide donc du parcours sans en informer la préfecture. Jamais compris ça. Tu veux faire chier le monde et planter la zone pour que les autres remarquent ta présence et la défense de tes idées, tu ne vas pas te précipiter dans le premier commissariat venu pour  en indiquer l’itinéraire. Demander l’autorisation d’être en colère ici et maintenant. Non mais franchement ?

Dans le cas qui me préoccupait, j’avais choisi les allées du cimetière de ma commune. Avec dissolution du cortège au crématorium juste après le verre de l’amitié et autres petits fours. Original et cohérent, non ? Sans parler que, question animation, les macchabées devaient être aux anges de voir autre chose que les coutumières gueules d’enterrement. Au final, une participation en demi-teinte. D’après la police venue m’interpeller, j’étais seul. D’après l’organisateur, j’étais cinq cent mille. Je te communique les affluences, Monsieur-je-sais-tout, afin que tu comprennes une bonne fois pour toutes que la moyenne traditionnellement calculée lors d’un cortège peut être parfaitement tronquée. L’interprétation des chiffres, vaste fumisterie qui prêterait à rire si le commun des politiques n’en faisait pas la principale justification de son métier d’imposteur. De plus, les plus grandes manifestations nationales, c’est combien de clampins ? Un million ? Deux millions ? Allez trois millions, les jours non fériés, hors vacances scolaires. Faut pas déconner non plus. Madame-pas-contente-et-fière-de-l-être ne va pas annuler son séjour paradisiaque à Ibiza pour la défense d’un idéal hors normes de Bastille à Nation. Donc, soyons fous, va pour trois millions. Soit moins de 5% de la population hexagonale. Taux énorme si tu es du côté des frondeurs, ridicule si tu considères que les mêmes contestataires sont des moutons venus soutenir l’establishment en place. On marche mais on n’avance pas.

Alors je vous vois venir. Comment exprimer son mécontentement autrement que par le biais de la manif et du bulletin de vote, hauts symboles de la naïveté pour le pirate ? Y’aurait bien la guérilla urbaine. Mais j’ai égaré la recette de M. Molotov et la rubrique coktails de Marmiton.com ne semble pas à jour. Puis je cours bientôt aussi vite qu’un gastéropode asthmatique charriant Lance Armstrong dans sa coquille. Mais d’autres s’en chargeront. Que les mômes me laissent le temps d’écluser sur le Bon Coin le stock de pancartes et banderoles de mon ultime manif. Besoin de thunes. Je dois repartir. Hisser les voiles. L’horizon m’attend. Durant mon absence, fidèle abonné, merci de ne pas organiser une marche blanche en hommage à mes écrits sur fonds noir. Ce serait déplacé. En outre, le gardien du cimetière a des consignes du Maire. Gaffe.