mardi 30 décembre 2014

O Sana au plus haut des cieux !

Alléluia mes frères ! O Sana, ô Sana et en route pour la joie ! Un sympathique père Noël savoyard vient de me balancer par la cheminée les derniers opus de San-Antonio qui font que je devrais avoir exploré (enfin !) l’intégrale des 175 aventures du célèbre commissaire plus de trente ans après les avoir entamées ! Mais surtout big up à toi mon Fredo comme jactent les mômes ! En juin prochain, ça f’ra quinze piges que l’plus turbulent de nos z'auteurs populaires a mis les adjas. Qu'y s'est carapaté pour le paradis des scribouillards de haut vol où il a sûrement retrouvé ses chers potes Boudard et Simonin entre autres joyeux drilles de la pensée sournoise sur parchemin. Ah, mon Fredo, si tu savais comme tu me manques ! Des gars de ta trempe, ça n’devrait pas avoir l'droit de casser sa pipe. Et pis d'abord, t'as demandé la permission à qui, hein ? Mézigue, en tout cas, j’ne te l'aurais pas donnée ! Nul n'est irremplaçable, qu'y bavent les parvenus du clavier branchouille ou du stylo en berne. Foutaises ! Décrété et reconnu d’utilité publique le Tonio, ouais ! Enfin, la seule, l’unique preuve, c'est que tu n'as pas été remplacé ! Aveugle lectrice, bigleux lecteur, si qu’vous voyez passer un nouveau génie des Lettres Francaouises, mettez-moi au jus, sortez le klaxon trois tons en acier chromé que j'partage l'allégresse collective, que j’alleluiaïse sur l’autel de la page blanche immaculée, qu’j’grimpe au rideau de fer de ma cellule d’isolement ! Mais non… J'ai beau scruter serein (ne vois-tu rien venir ?) l'horizon littéraire, m'écarquiller les châsses la pogne en visière, j'en vois pas lerche qui méritent l'attention et à peine deux trois, même avec les échasses publicitaires qu’on leur octroie, qui t'arriveraient à la cheville, mon Fredo.

« Non mais dis donc, le flibustier d’eau douce et d’âpre whisky, tu pousses pas le bouchon un peu loin là ? Y t’reste pas un zeste de raison clapotant entre deux icebergs de dinguerie ? me rétorqueront les chétifs du bulbe et les encombrés de la rate. Ton Frédéric Dard, il avait un brin de plume, certes, mais raison gardons ! Ses books à deux balles, c'est quand même pas le Petit Prince de l’autre Toine de Saint Ex' ou l’Marcel Proust (prout !) issus de la Pléiade dorée sur tranche ! » Ben non, c'est pas. Mais c'est drôlement chouette quand même, les affreux ! Ah, ce fade que je prends quand je ligote ça ! Moi, ouvrir un San-Antonio, c'est ma friandise préférée... Ma p'tite gourmandise... Mieux qu’un Mon Chéri ou un Rocher de l’ambassadeur de mes belles deux ! Juste ce que je m'envoie entre deux portes, entre deux lectures dites "sérieuses", en loucedé, pour me dévergonder les neurones. Me dérouiller les zygos. M'évader de la couennerie ambiante. Polar ou pas, quelle importance, Hortense ! Dès que je plonge là-dedans, j’ai le palpitant qui bat la breloque, le tocsin qui sonne l’Angelus sous ma soutane en bronze, tant sa prose pétille mieux que du Ruinart en caisse de six. Ah ce qu'elle cul-cul-la-praline la prose du romancier lambda à côté de celle, si délurée et si constamment créative, de l'ami Dard. Avec lui, c'est fête à chaque phrase ! Calembours en cascade ! Métaphores à volonté ! Feu d’artifice ou d’artifesses ! Des big bioutifoules dont j’te dis qu’ça !

Quoi l'histoire ne tient pas debout ? Mais on s'en tamponne le dargif du scénar, Balthazar ! Laisse ça aux trépanés du thriller à poils durs qui veulent à tout prix que Bill s’emmanche bien sur Boquet. Pis c'qu'il y a de bath chez le berjallien, c'est d'abord sa verve, sa gouaille, sa virtuosité argotique. La godille de la jactance. L’art du planter de bâton (de Berger comme disait la môme France Gall). Cette façon qu'il a d'interpeller son lecteur à tout propos, de le tutoyer, de le rudoyer, de lui balancer de temps à autre, en force ou à la sauce Panenka, un bon péno dans les joyeuses pour l’sortir de ses certitudes de pacotille, de ses avis définitifs de bazar, au baltringue de service. Ce don scribouillard qui fait, qu'au bout de trois lignes, tu te crois au troquet du coin, accoudé au zinc à esgourder un pote facétieux qui te bonnit la dernière entre deux caouas matinaux.

Et pis allez, avouons-le, un des grands charmes de ces aventures, c'est bien d'y retrouver le gars Béru, non ? Ah, le natif de Saint-Locdu-Le-Vieux... Que serait Sherlock sans Watson ? Laurel sans Hardy ? Tintin sans Haddock ? Black sans Decker ? Ben ici, c’est du kif. Que serait San-Antonio sans l'Enflure, le Gravos, le Mastar, le plus célèbre interprète des Matelassiers, hein, je vous le demande ? Moi, je t'aime, Béru. T’es crasseux, vulgaire, inculte, goinfre, soûlard, pétomane, j'en passe et des moins bonnes, toujours entre un calendos suintant et un kil de rouge tire-bouchonné, ton éternel bitos vissé sur le crâne, c'est peu dire que tu possèdes un parler rustique mais il s'en dégage, paradoxalement, une sorte de poésie inexplicable, loufoque, monstrueuse. Béru, c'est le gars sans tabou, sans complexe, qui fait ce qu'il veut, quand il veut, où il veut sans se soucier des manières, de la bienséance, du qu'en-dira-t-on. C'est le zig libéré des convenances, des usages, du savoir-vivre ordinaire. Il nous venge, par procuration, de toutes ces petites choses qu'on s'interdit de faire ou de dire quotidiennement en société, pour ne pas choquer son prochain. Bérurier, lui, se lâche tous azimuts, sans malice, en toute candeur, la bonhomie chevillée au corps et à l'âme (çon tordu pour pêcher, c’est le pied). Ce qui, bien sûr, ne l'empêche pas d'être aussi un poultok de première bourre qui vous la souhaite bien bonne, si j'ose dire…

Y a mille raisons d'aimer tel ou tel auteur. Moi, j'aime San-Antonio parce qu'il me met de bonne humeur, tout simplement. Il me réconcilie avec la vie quand j'ai le moral en cale sèche ou la viande qui récalcitre. Elles ne sont pas seulement drôles, bien fichues et jactées cinq étoiles, ses petites aventures truculo-trouducuto-policières. On y trouve aussi, mine de rien, une forme de philosophie pratique, un chemin buissonnier d'insouciance, de dérision, d'autodérision. Qui te rend plus humble, moins con, alors que t’avoueras, c’était mal barré, lecteur. Qui te remet en perspective les petites mouscailles de l'existence, les menues misères du quotidien. San-Antonio, c'est l'art de ne rien prendre au sérieux. De rigoler de tout. Sur et avec n’importe qui. La grande partouze de l'humour libre. De savourer la vie côté gaudriole. Dans cette époque de panade et coincée de la pensarde, quoi de plus indiqué ? Merci pour tout, Fredo. Et à toi aussi, lectrice ou lecteur anonyme ou non, à qui j'ai emprunté la substantifique moelle de ce scribouillage. La quintessence en jerricans de cinq litres. Espérant ainsi avoir entretenu la flamme du liseur (de Dard) inconnu. Je vous laisse, les aminches… J’ai l’estomac dans les talons, la tortore est prête et la blanquette de veau m’attend. Ma Félicie aussi. Que 2015 soit synonyme pour vous autres de (re)découverte de ces 175 petits coups de canif de deux cents et quelques pages dans la morosité de vos vies.

mercredi 15 octobre 2014

Richard au coeur de Lyon

Soir de semaine. La nuit a déjà enveloppé les immeubles. Seuls subsistent les néons blafards des arrêts de bus. Dégueulés par les bouches de métro, les ultimes retardataires de la soupe familiale « vingtheurienne » ont déserté ma ville. C’est l’heure à laquelle je décide de sortir. J’ai rendez-vous. Avec un drôle de personnage. Je n’avais pas remarqué et pourtant. Depuis le temps qu’il chemine dans ma petite lucarne ou sur la toile immaculée de mon cinéma préféré. Pas banal un bipède qui peut se métamorphoser en grenouille. Ce sourire aux lèvres pincées qui se fend d'une oreille à l'autre. Les paupières légèrement bombées sur ce regard bleu pouvant luire de bonheur ou de rage contenue. Mais le son rauque de la voix qui déraille et se brise me fait oublier le batracien pour me ramener à l’homme. Je suis venu écouter Richard Bohringer. Et Richard Bohringer parle. Ou plutôt raconte. La magie opère. Pas de ces vieux combattants qui radotent leur sombre et glorieux passé en geignant sur l’époque actuelle, non. Bohringer ne relate ses errances qu’au présent. Il les vit, les recrache comme des fléchettes propulsées de sarbacanes. En homme debout, ivre de liberté. Un seul mot pour résumer tout ça : partage. Avec le public. Enfin, plutôt avec chacun de nous devrais-je écrire. Parce qu’il te chope à l’aide de ce fameux regard, de ceux qui te transpercent comme un cran d’arrêt et te clouent dans ton fauteuil de simple spectateur de sa vie. Et il ne te lâche plus. Toujours entre émotions et emportements. Et tu te laisses facilement happer, embarquer sur son rafiot de fortune. D’infortune. Ses multiples escapades africaines comme ses longues nuits au hasard des rues. Quand le griot blanc et l’homme blessé ne font plus qu’un et te mettent tout sur la table.

Comédien, écrivain, chanteur, Bohringer est avant tout un écorché vif. Un être comparable à ces vieux volcans. La fièvre et la tourmente. Cracheur de feu. Des éructations qui coulent comme de la lave en fusion avant le retour à l’apaisement. Autant de profondes brûlures qui ne le laisseront jamais au repos. Une personnalité complexe. Comme sa vie. A plus de soixante dix printemps, il continue de se colleter avec elle. Bohringer, c’est un boxeur du quotidien. Pas du genre à jeter l’éponge. Il encaisse, plie, met un genou à terre puis se relève toujours au final. Le style de lascar à crever debout. Il ne tombera pas tout seul. La faucheuse devra aller le chercher. Pas pressé de retrouver « ses frères », ses compagnons de biture et de galère partis tutoyer les anges. Son aéronef céleste, comme il dit. Un hymne à la vie, à la générosité. Le cœur et les poings qui résonnent au rythme de ses coups de gueule, de ses doutes et certitudes, de ses angoisses existentielles. De cette petite musique qui le guide loin de l’aigreur ou de l’amertume. Au rythme des autres, aussi. La vérité dans les rencontres. De celles qui vous font coucher à l’aube et bouffer du macadam. Sans jamais poser les valises. Toujours sur la route. Aller voir ailleurs. D’autres âmes. Un caractère de merde pour certains, du caractère d’après lui. Cette puissance qu’on ne peut imaginer avancer à pas feutrés, sur du velours. Non, Bohringer, ce sont forcément des portes qui claquent. Le bruit et la fureur. De vivre. Résistant. Animal. Indomptable. Loin du profil amphibien que je lui prêtais au début de ce billet, hein ? Enfin, je croaaa…

Deux heures et quelques demis plus tard, je rejoins ma tanière. Empreint de ce sentiment d’avoir croisé un de ces derniers loups. Une espèce en voie de disparition qui se baladerait au milieu des chasseurs de rêves. Une dernière fois braver le danger de l’immobilisme. Narguer les conformistes par ce rictus taillé au rasoir. Putain, c’est beau un homme qui vit.

dimanche 7 septembre 2014

Le fantôme de Mc Murphy

- M. Tricao ?
- Bonjour Madame.
- Bonjour. Bien. Asseyez-vous là. Alors, depuis la dernière fois, quoi de neuf ? Votre vue ? Toujours aucun souci de ce côté là ?
- Mouais… J’ai l’impression que ça baisse. De près uniquement. Sinon ça va. Mais je parviens encore à vous distinguer, Monsieur.
- Et facétieux avec ça ! On va regarder tout ça. Fatigué le soir ? Des maux de tête ?
- Non. J’arrive à lire mais pour la télé, j’ai plaqué l’affaire.
- Ah bon ?!? Des symptômes de quel genre ?
- Oh… Pour 95%, je dirais la nullité des programmes proposés et 5% parce que je ne retrouve généralement pas la télécommande suite à la baisse de ma vue de près.
- Alors vous, franchement ! Sinon vous lisez sur écran ? Sur E-Book ?
- Non. Gutenberg. Méthode ancestrale. Vous savez les caractères imprimés sur des pages de papier numérotées reliées entre elles et...
- Vous allez arrêter de vous foutre de moi, M. Tricao ?
- Pardon.
- Bon. Sinon, votre poids… Vous êtes monté sur la balance récemment ? Je vois que vous étiez en très légère surcharge pondérale lors de votre dernière visite et...
- C'est à dire que de me peser avec mon blouson de moto, mon casque et mes bottes parce que votre camion médical n'est pas chauffé l'hiver, forcément...
-  ….. Je peux reprendre ? Rien d’inquiétant non plus, hein. Conséquences de votre arrêt de fumer sûrement. Vous n’avez toujours pas repris au moins ?
- Pas depuis dix ans. Ma fiche informatique n’est pas à jour visiblement. Ah où est la belle époque des bons vieux dossiers médicaux cartonnés manuscrits remplis par de belles mains manucurées d'infirm…
- On peut avancer ou vous comptez poursuivre votre one man show dans le sas d’attente ?
- Ok. J’ai perdu dix kilos depuis la dernière fois que je vous ai vu. Mais aucun lien de cause à effet, rassurez-vous.
- Des soucis ou la simple volonté de faire un petit régime pour vous sentir mieux ?
- Les deux, mon capit... Pardon.
- Des soucis de quel ordre ? Le travail ? Familiaux ? Autres ?
- Cochez les trois. En fait, je crois que je supporte de moins en moins les autres. ‘fin, les cons surtout. Mais je ne dois pas être le seul dans ce cas.
- Effectivement. Petite déprime assez fréquente constatée à la quarantaine…
- L’âge ne fait rien à l’affaire. De 7 à 77 ans. Des cons. Point.
- Non, mais je parlais pour vous…
- Allez-y ! Traitez-moi de con pendant que vous y êtes !
- Enfin ! Vous vous méprenez ! J’évoquais votre coup de déprime, M. Tricao !
- Coup de déprime, je ne pense pas… Je crois qu’en fait j’ai toujours eu ça.
- De quoi ?
- Le goût de la solitude. Même si ce n’est pas très populaire d’après le père Capdevielle.
- ???
- Laissez. Ce sont mes références de vieux con. Ma part du gâteau.
- Trop de stress aussi dans votre boulot, peut-être ?
- Si vous appelez « stress » le fait de supporter mes collègues. Alors oui.
- Vous leur reprochez quoi exactement ?
- Leur connerie. Leur soumission plaintive. A propos de tout. En boucle. Infinie. Sans jamais avoir la moindre étincelle pour mettre le feu à tout ça. Toute cette énergie négative dépensée en vain, l'extinction du risque, du nouveau, c'est beau...
- Vous arrive t’il d’envisager qu’ils pourraient penser la même chose à votre endroit ?
- Pourquoi pas. Mais contrairement à eux, je fais des efforts. Je l’ouvre le moins possible. C’est un bon début, non ?
- Je ne sais pas… Et c’est moi qui pose les questions, M. Tricao. A part ça, pas de problème pour aller à la selle ?
- Oh, je suis un modeste cycliste du dimanche, vous savez. A peine trois mille kilomètres les meilleures années.
- Vous le faites exprès ? Vous voyez très bien de quoi je veux parler.
- Je vois très bien, je vois très bien… De loin alors ! Non, mais pas de problème. Hélas.
- Pourquoi « hélas » ?
- J’aimerais demeurer enfermé dans ces lieux plus longtemps. Pour lire, penser. Simplement pour échapper aux cons, en fait.
- Une petite fixation, quand même. Bon. Je vais vérifier votre tension.
- Faut peut-être que je retire ma combi de ski, non ? Ok. J’arrête.
- Neuf et six ! C’est faible, dites moi. Pas de vertige quand vous vous levez ?
- Uniquement quand je me couche, Doc’. Vertiges de l’amour. J’ai dû rêver trop fort. Ca m’prend les jours fér…
- Vous avez fini votre cirque, oui ?
- Oui.
- Bon, vous êtes apte. Un peu de lassitude mais je mets ça sur le compte d’une petite baisse de moral passagère. Mais vous pouvez toujours nous consulter si besoin. Vous m’avez l’air plus taquin que déprimé en fin de compte. Vous qui aimez la lecture, vous devriez écrire quand vous avez un coup de moins bien. Tenir un journal, par exemple. Beaucoup de gens font ça, vous savez. SUR PAPIER RELIE, HEIN, MONSIEUR TRICAO !?!
- En 2014 ??? Vous n’y pensez pas ! Ne le répétez pas, mais des savants un peu fous disent que l'on peut ouvrir son propre blog sur Internet. Vive la modernité, Docteur, non ?
- Fichez-moi le camp !
Bonne fin de journée, Miss Ratched.

lundi 1 septembre 2014

Les raisons de mon collyre

J’ai la crève. Eternuements en cascade. Les carreaux gonflés larmoyants et cette sale impression d’avoir reçu une poignée de sable dans les orbites. La voix qui déraille et oscille entre l’adolescente hystérique à un concert des One Direction et le fumeur de Gitanes maïs sans filtre en fin de chimio. Bref, la tronche comme un compteur à gaz. J’aime pas. Sale humeur, du coup. Comment et où j’ai chopé ça, lectrice ? Déjà pas dans ton derrière, espère ! Je sais. Grossier. Mais j’ai prévenu. En rogne. De mauvais poil… de cul, évidemment. Je n’ai pas attrapé froid non plus lors de la mascarade actuelle de l’Ice Bucket Challenge, si tu veux savoir. Tu sais, tous ces lourdingues connus et inconnus qui croulent sous un torrent d’eau glacée tout en prenant soin d’innover dans le pathétique et le ridicule afin de figurer en pole sur les réseaux sociaux et autres télés. Montrer qu’on a des relations, des potes, que l’on est dans la place. « Je suis retweeté par les stars de ce monde, mon gars ». Toujours en mémoire ce journaleux donnant du « Bob » à Monsieur De Niro. Va te faire…

Puis elles ont bon dos, les nobles causes. Se battre mondialement contre la maladie de Charcot. Ok, pourquoi pas. T’en penses quoi, Bob ? Ouarf, ouarf. La tendance est au paraître. Montrer que l’on a du blé mais aussi et surtout du cœur. Business oblige, si tu peux faire ta propre pub de bon samaritain en même temps, hein. Donner discrètement ton obole, ce n’est pas jouable ? « Mais tu me prends pour un charclo, Tricao ! ». Charcot, mon bon, Charcot. Et puis c’est toi qui donne et non qui reçoit. Au final, je n’ai pas participé. Note bien que je le regrette. Pour ne pas rompre la chaîne (du froid), j’aurais nominé Michael Schumacher, un Gremlins et un petit africain déshydraté. Oh, ça va, c’est pas plus cynique que leurs actes à ces cons. De l’espièglerie d’un allergique à l’ambroisie, tout au plus. Parce que oui, pour revenir à mon rhume, c’est de l’allergie. Une variante du rhume des foins. Option latin. Ambrosia artemisiifolia. Ca te la coupe ça, hein ma vieille ? Ben ma haute culture en mauvaise herbe, bien sûr ! Parce que pour ce qui est de la plante allergisante, mieux vaut arracher la racine avec, et ce, afin d’éviter toute prolifération, merci d’être venu lecteur, tu peux retourner devant les Chtis ou Minots à Pétaouchnok-mais-pas-chez-moi, je continuerai sans toi. Va te faire…

Fleur venue d’Amérique du Nord et disséminée depuis essentiellement par l’Homme. Et tu voudrais que je ne renouvelle pas mon adhésion pas au Misanthrope’s Club, lecteur ? Bref. Les AA (allergiques anonymes), nous représentons environ dix pour cent de la population en France. Pas négligeable, non ? Et bien est-ce que je grimpe au sommet du grand mât de mon brick réclamer corps et âme mais surtout à cri à la planète entière un Pollen Bucket Challenge ?  Non. Je reste humble. Les plus grandes douleurs sont muettes, paraît-il. Bien qu’en ultime parade, il reste toujours la cortisone. La fameuse piquouse apaisante qui donne raison à ce salopard de chauffard du dimanche qui frôle volontairement mon biclou lors de mes sorties dominicales sur les routes de campagne en me traitant de dopé car je ne laisse pas ma portion de bitume à son gros 4x4 de merde quand il va chercher son pain et ses clopes. Va te faire…

Bon, je dois te laisser, lectrice. Mon ire empire et le petit flacon de collyre me fait de l’œil. Ah oui, j’oubliais. Bon anniversaire, le Cri Pirate. Deux piges et cinquantième billet au compteur. Laisse moi t'offrir néanmoins ce modeste bouquet de nerfs.

mercredi 23 juillet 2014

Le vieil home et l'amer

Toc, toc… Y’a quelqu’un ?... Fait sombre là dedans. Une lanterne, vite ! Comme retranscrivait Gourio par l’entremise de ses fumeuses brèves de comptoir, « quand tu connais la vitesse de la lumière et que toi, tu mets parfois une plombe à trouver l’interrupteur ! ». Bon ben va falloir aussi tomber les toiles d’araignée, ouvrir les fenêtres. Bref, bienvenue à toi lecteur. Après des pérégrinations réelles et autres escapades virtuelles m’ayant tenu éloigné de cet antre, me voilà enfin de retour au bercail. Home, sweet home. Le temps de souffler sur les touches du clavier afin d’ôter la poussière et je suis à toi. Plus de quatre mois se sont écoulés depuis une certaine mortelle randonnée. Une naïve lectrice de mes connaissances s’étant même posé la question si mon dernier opus n’était pas autobiographique et si je ne croupissais pas à l’heure actuelle dans quelque geôle jusqu’à ce que la faucheuse m’offre la dernière échappée vers d’autres cieux. Je sais bien qu’il est dans l’air du temps que certains en mal d’exister claironnent leurs prochains forfaits meurtriers ou suicidaires via les réseaux sociaux. Mais non. Tout baigne. Et pas dans l’hémoglobine.
J’ai bien pensé revenir de temps à autre scribouiller mes coups de mou, mes coups de cœur, mes coups de trique (Ah ? Oh !). Le monde continuait de tourner. Toujours pas rond. Pourtant, sur nos écrans, l’info en boucle. Va comprendre, Cassandre. Bon puis tremper ma plume dans quoi ? La politique ? Se joindre au Hollande bashing alors que le roi des cons sur son trône se débrouille très bien tout seul ? Te faire part de mes hallucinations sur un retour possible de Joe Dalton alors que je n’ai toujours pas réalisé comment il a pu arriver un jour sur la plus haute marche ? Se mettre la rate au court bouillon devant ce putain de thermomètre nationaliste qui fait grimper lentement mais sûrement la fièvre haineuse et qui nous finira bientôt tous dans le fondement sans avis médical préalable ? Sinon l’actualité sportive ? Ben oui. J’aurais pu, j’avoue. Comme toi lecteur muni de tes charentaises à crampons, j’ai passé quelques footeuses soirées brésiliennes. Mais franchement, te tartiner des comptes rendus de matchs insipides, flinguer ou encenser des millionnaires en short, endosser la panoplie de l’un des soixante et quelques millions de sélectionneurs que compte l’Hexagone, tu m’as compris… Si tu as envie de ça, tu prends ta souris sous la paume, ton tactile sous l'index et direction les spécialistes du zinc. A taper le carton rouge entre deux jaunes. Plein les forums du net, les radios, les plateaux télé. S’autoproclamant analystes. Et pourtant bien souvent à la limite du hors jeu.

Alors à part ça ? Et ben ça va, si il s’passe que’que chose, on vous l’dira. Dixit le bon Renaud du temps où il venait encore de louper Télé Foot. Tiens, le père Séchan, je voulais t’en causer un brin. Lui qui vit maintenant caché sur les rives de la Sorgue. Loin du tumulte. Si éloigné des feux de la rampe que le jeu macabre de certains charognards consiste à savoir quand il va lâcher cette dernière. Z’ont beau réclamer son come-back à coups de reprises, la nouvelle (et l’ancienne) scène française. Sortent une compilation comme un hommage… Mon cul ! Un linceul, ouais ! Laissez le peinard, bandes d’épitapheurs à la petite semaine. Terminarès la chanson. La voix embrumée par les goldos bruantistes et les vapeurs d’alcool rimbaldiennes. Plus envie de montrer sa trogne. Il a le droit non ? Alors bien sûr que j’aimerais l’entendre encore, le naufragé des icebergs de fond de verre. Enfin plutôt lire sa plume vengeresse et caustique. Mais surtout pas vos voix, nécrophages de la charmante ritournelle. Bien plus vivant que vous le titi de Paname. Mais peut-être qu’il navigue sous pavillon caché sur le web. Va savoir. Et que même si ça se trouve, il me lit, tiens ! Alors compagnon au bandana rouge, si nos claviers viennent à se croiser, nos chaloupes webiennes accoster sur le même rivage, sache que je te salue. Longue route à toi. Réembarquons sans nous retourner. Eloignons nous de l'amer. Dès que le vent soufflera, of course.

vendredi 7 mars 2014

Mortelle randonnée

Le mec s’était dirigé vers moi et m’avait demandé mon titre de transport. Je lui avais rien demandé. L’air hautain du Robocop de banlieue content d’alpaguer un multirécidiviste des transports. Un contrôleur de bus, merde. J’aime pas les contrôleurs de bus. Pas que je leur en veuille personnellement, non. Chacun sa galère pour remplir sa gamelle. Je n’avais pas de ticket. On est descendu au premier feu rouge. Pendant qu’il rédigeait son procès verbal, il n’a pas pu s’empêcher de me faire la morale. L’erreur. Un bavard. Il m’a tenu la jambe pendant cinq minutes. Cinq minutes de trop. Je l’ai buté. Pas me faire chier. Je suis un impulsif. Déjà, à l’armée, ils ne m’ont pas gardé. Déclaré ingérable. Psycho j’sais pas quoi à tendance machin truc. En clair, à dégager. C’est un médecin gradé qui est venu m’annoncer la nouvelle. Alors je l’ai dégradé. Mon premier. Mon plus grand souvenir. Deux choses que je n’oublierai jamais : le regard du blaireau quand il a compris et la mélodie de ses cervicales quand elles se sont disloquées. Pur bonheur. De quoi créer une vocation. C’est à partir de ce jour là que je me suis mis à bourlinguer. Recherché pour cause de dangerosité. Pas le genre fréquentable, quoi.

Bref, j’ai tué le contrôleur. Proprement, à l’ancienne. Pas eu le temps de voir venir. Et il s’en est allé vérifier si son billet était compatible pour l’enfer. Le hic, parce que hic il y a, c’est que le contrôleur avait un collègue descendu l’arrêt suivant qui, ne voyant pas arriver son binôme, remontait dans notre direction. Et qu’il a réagi au quart de tour quand il l’a vu s’effondrer ma victime. Il n’aurait pas dû crier en arrivant sur moi. J’aime pas les longs discours mais encore moins les cris. Il est mort comme un porc. Bon. Ma rencontre avec ces deux cons commençait à attirer les curieux et il me semblait opportun de quitter les lieux. Plus de bus, pas de métro, fallait improviser. Coup de bol, au feu, un taxi arrêté. Je me suis engouffré juste avant le vert. Pas ce que j’ai fait de mieux. La tête du couple de clients et du chauffeur. J’aime pas les chauffeurs de taxi. Ils parlent trop eux aussi. Nettement moins avec la ceinture de sécurité autour du cou. Et la mégère qui squattait la banquette arrière, effarée, la bouche ouverte sans un son qui sort. Elle avait dû bouffer un truc qu’il ne fallait pas. Elle puait d’une force ! J'aime pas les gens qui puent du bec. Alors en plus quand les sphincters font relâche ! Toujours est-il qu'avec son mari, ils n'ont pas eu l'air d'apprécier ma présence. Ca m'a vexé. J'ai pris la tête de l'un pour défoncer celle de l'autre. Tchac ! Solide, la rombière geignait encore. J'ai dû la finir avec la lame encore chaude du sang du contrôleur. Du travail bâclé, mais bon, cas d’urgence. Puis à ce moment précis, deux balaises sont sortis de leurs tires parce que visiblement, on gênait la circulation. Et eux ? Ils n’étaient pas des empêcheurs de tuer en rond peut-être ? Ils n’ont pas aimé ma remarque. De plus, j’aime pas les balaises. Une boutonnière à chacun. Pour les reprises, voir avec la pharmacie la plus proche.

Avec tout ça, il se faisait tard et je commençais à avoir les crocs. J'ai laissé les cadavres à leur lente agonie et j'ai filé un peu au hasard en quête d'une gargotte. J'aime pas les restos. Les serveurs posent trop de questions. Un couvert seulement ? Et pour la cuisson ? Prendrez un dessert ? Café ou déca ? Je déteste le café. Ca me rend nerveux. J'ai fini par dégoter une brasserie. La serveuse avait tout pour plaire. Strabisme divergent prononcé et bégaiement en sus. Sacré pedigree. Aurait pu s'appeler BB. Bigleuse et bègue. Mais c'est vilain de se moquer. J'ai dégusté mon plat avant de mettre à jour mon calepin. Ne jamais me mettre en retard au niveau du calepin ! Sinon, j'oublie. Je comptabilisais donc mes clients de la journée. Les deux contrôleurs, le couple du taxi, le chauffeur, les balaises. Sous total : sept. J'ai horreur du chiffre sept. Surtout marre des trucs qui vont par sept. Les sept nains, les sept mercenaires,  les sept péchés capitaux, les sept jours de la semaine, les sept merveilles du monde, le septième art, le septième ciel. Des conneries. J'aime pas le sept. Ca porte la poisse. J'aurais dû me limiter à six. Mais bon, ce qui est fait est fait. Et la journée n’était pas finie. Comme d'habitude, j'ai profité de ma pause casse-croûte pour nettoyer mon matos. Une lame, il faut que ça reste propre. Question d'hygiène. La nappe était rose fadasse, je lui ai refait une coloration. Genre ton sur ton. Puis j'ai réglé l'addition. A ma façon. J'ai appelé BB pour lui faire remarquer qu’à la place du plat du jour, j’aurais préféré le plat du soir. Juste histoire de plaisanter. Elle a passé l'arme à gauche avant d'avoir compris ma blague. J'aime pas les gens qui manquent d'humour. Pas trop content mais repu, j'ai vidé les lieux sous les regards j'imagine admiratifs et envieux des rares clients. Faut dire ce qui est, j'avais opéré BB à la spectaculaire. Une césarienne vite fait sur le gaz. Alors bien sûr les beaufs avaient fait le plein des conversations à venir. J'y étais ! J'ai tout vu ! Mais je n’ai pas bougé, M’sieur le Commissaire. Evidemment. Bande de cons. J'aime pas les cons.

Ces péripéties m'avaient quelque peu fatigué. Je me suis assoupi à proximité dans un parking souterrain. Sous une caméra de surveillance. Quand les flics sont venus me cueillir, ça s'est plutôt bien passé. Ils m'ont dit comme ça qu'ils savaient que c'était moi. J'ai confirmé que oui, en effet, c'était moi. Ils m'ont demandé pourquoi. J'ai dit c'est comme ça. Mais encore, pourquoi ceci, pourquoi cela. Oh les gars ! Des questions à n’en plus finir. Du bavardage et vous savez mon amour pour ce dernier. Qui, quand, où, comment ? Je ne sais pas, moi ! C'est comme ça. J'aime pas les contrôleurs, j'aime pas les vieilles qui puent de la gueule, j’aime pas les chauffeurs de taxi, les grands balaises, les serveuses moches et tous les autres voir plus si affinités. Quoi pas « affinités », alors antipathie, j’ai bon là ? Moi, ce que j'aime, c'est rêver. En cabane, je vais avoir tout le temps de rêvasser. Même si ils m’ont confisqué mon calepin. Il va me manquer. Il y en a des choses dedans ! Le jour où j'ai fait connaissance avec un chasseur qui refusait que je passe en vélo sur SON chemin forestier et celui où j'ai raté mon permis de conduire. Des souvenirs inoubliables. Pour moi bien sûr mais aussi pour eux un petit peu quand même non ? Mais je garde tout ça pour le procès. Si ce putain de procureur ne me coupe pas la parole, bien entendu. Parce que voilà, il faut que je vous avoue un petit truc. J'aime pas les bavards ok, mais encore moins les malpolis.


(Adaptation d’une nouvelle d’H. Sard)

lundi 20 janvier 2014

Cannibale Lecteur

La nuit vient de tomber. Je le sais car la lumière tamisée de la lampe de bureau vient remplacer le peu de jour qui filtrait jusqu’alors par les interstices des volets vermoulus. Il est là. Avachi dans son fauteuil en cuir. Le regard fixe et hagard du junkie en manque. A nous scruter, les copains et moi. Sur lequel d’entre nous va-t-il jeter son dévolu ? Epancher sa soif de lecture ? Appétit d’ogre pour des mots couchés sur le papier. Boulimique de tournures alambiquées ou élémentaires. Jamais repu. Il vient de terminer un petit Caryl Ferey. Opuscule bien frêle. Une sorte de jumeau. Car ne possédant comme moi qu’une trentaine de feuillets. Simple mise en bouche avant de gloutonner sauvagement le prochain qui lui tombera entre les mains. Il a dû apprécier, car ce dernier ne va pas rejoindre le coin où s’entassent pêle-mêle les préposés au départ. Notre fameux camp de rétention. Un comble pour un livre d’être traité comme un sans papier. Le permis de séjour dans ce bureau peut aller d’une courte escale de deux jours à la détention à vie. Ainsi moi qui vous cause, j’ai la chance de faire partie des meubles. Mes atouts ? Un contenu enrichissant (ma beauté intérieure), un format chéquier portefeuille et une tranche fière qui vieillit sans trop jaunir. Contrairement à mes confrères de la Série Noire, par exemple. La couverture en papier glacé fatigue sans pour autant craqueler. Je cauchemarde parfois à l’évocation de ces horribles rides qui rejoindraient ma maigre épine dorsale où règne mon patronyme de parution dans une police rouge et noire microscopique. Faut dire qu’il prend soin de nous. Jamais de pages cornées. Une règle.
Je suis bien descendu plusieurs fois de mon perchoir, la peur au ventre de déménager sous d’autres cieux, mais j’ai toujours réintégré mon étagère. Je dois toujours lui plaire. Nous sommes de vieux amants. Je sais qu’une multitude de maîtresses pourraient prétendre au même grade que moi. Je fais partie d’une famille nombreuse dont le patriarche scribouillard est Pierre Desproges. La tribu s’est agrandie au fil des années. Même mes cousines, des biographies plus ou moins exhaustives, sont toujours présentes. Nous avons notre emplacement réservé. Pas trop ensoleillé, éloigné de toute humidité synonyme de mort certaine pour ma fratrie. Nous vivons en bon voisinage, écrit dessus écrit dessous entre Dard Frédéric et Djian Philippe.
Et puis, il y a les autres. Ceux qui patientent en préventive. Certains arrivés depuis des lustres. Achats compulsifs. Parce qu’une chouette présentation, un format bien maniable, une quatrième de couverture alléchante, un coup de cœur offert par un autre vampire lexical de ses connaissances, ou que sais-je encore… Et de traîner là. Dans l’attente. Le couloir de la mort avec pour perspective l’acquittement (adoubement, devrais-je peut-être écrire) ou le départ vers d’autres latitudes. Bien que d’après quelques réchappés revenus par erreur, notre sort serait enviable. Jamais de déchèterie, autrement dit « la fosse commune » dans notre jargon. Un recyclage d’occasion en librairie ou sur un étal de bouquiniste, il y a pire, non ? Nous avons aussi les « pistonnés ». Une classification à part. Pas forcément irrésistibles mais dédicacés, les diables. Je les hais. Avec leur paraphe d’auteur comme une légion d’honneur couchée sur les premières pages, les décorés nous narguent. Le précieux sésame garantissant de finir ses jours dans cet antre bibliophile. Une concession à perpétuité en somme. Ou bien la maison de retraite chez un autre anthropophage, généralement proche conseil et ami de notre cher pagivore. Jalousie et rancune. A une poignée de métastases près, j’aurais pu être des leurs. Enfin. Je suis toujours là. Mais jusqu’à quand ? De méchants extra terrestres ont débarqué : les e-books. Notre espèce serait-elle menacée ? En voie d’extinction ? L’ordinateur trône sur le bureau. Ambiance digne du Silence des Agneaux. C’est lui qui m’a laissé entendre que nous ne craignions rien. «Pour l’instant...» a-t’il ajouté, narquois. Dois-je arborer une confiance aveugle en la fidélité de mon Cannibale Lecteur ? Je reste sceptique. Comme l’indique mon titre. Au final, « la seule certitude que j’ai, c’est d’être dans le doute ».       

mercredi 1 janvier 2014

Observons une année de silence...

« Et toi, l’Pirate, qu’est-ce qu’on te souhaite ? ». La paix. Mieux, le silence. Parce que je sature. Tes plaintes lecteur, tes chouineries lectrice. J’en ai ras le bandana. Mon souhait ? De vous coller au mur avec vos lamentations. Une bastos pour chacun. Vérifier si Polnareff et son paradis jouent à guichets ouverts. Pour l’enfer, je m’en charge. Avec vos trognes déconfites, j’ai déjà un avant goût. Et que ça se répand à longueur d’année, que ça ne va pas, y’a qu’à, faut qu’on. Jamais contents. De perpétuels grincements de craie dans les esgourdes. A s’en perforer les tympans comme papa Beethoven. Alors un peu de silence, s’il vous plaît. Et même si ça ne vous plaît pas. Fermez une bonne fois pour toutes vos clapets, les donneurs de leçons et mégères meuglant à qui mieux mieux ! Bien sûr, je sais : les maladies, les fins de mois difficiles, et tout le bataclan. Vous croyez qu’aboyer devant votre petite lucarne, avec vos aïeux et vos chiares, va vraiment changer les choses. Tout ce petit monde à se morfondre sur son piteux sort depuis des générations. Mais tellement heureux de baigner dans son jus finalement. Nostalgie de l’esclave. Pas tant envie de refaire le monde que ça au final. On verra plus tard pour la grande évasion. Parce qu’on ne sait pas. Si c’est pire, imagine. Prendre des risques ? Au grand jamais ! Plutôt crever dans son cholestérol ! Laissez-nous dans notre belle société de consommation. Nous voulons être des propriétaires. Même de miettes tombées du banquet des seigneurs. Des saigneurs. L’ambition citoyenne comme leur palier d’immeuble. Toujours envier celui du dessus, jalouser le voisin, faire chier celui du dessous. Vive la ripaille à coups de tickets resto, de savants cocktails d’antidépresseurs solubles dans l’alcool. C’est la criiiiise finale, pleurons tous, etc. Refrain connu. Internationale de la soumission. Surtout que rien ne change. 2014, 2015, 2050, 2100. Des pauvres, des riches. L’équilibre de plus en plus bancal. Pas grave. La norme. Aux urnes, les conformistes.

Me serais-je levé de mauvais poil en ce jour de l’an neuf ? Même pas. Vous me rendez juste fou. Mais va savoir qui est le plus dingue. Toi lecteur dépourvu de lucidité mais surtout pas de biens matériels ? Toi lectrice au grand cœur qui donne aux Restos en prévision de ton licenciement ? Donner. Encore et toujours. Votre kit de bonne conscience. Pour le calendrier des pompiers des fois que ta plaque  de cuisson en vitro céramique te pète à la gueule. Si seulement. Donner pour l’almanach des Postes bien que depuis l’avènement d’internet, les dernières bafouilles potentielles que tu reçois sont les vœux tarifés d’EDF, Veolia ou du Ministère des Finances. Note que je n’appelle pas au grand soir. A la Révolution avec un grand R. Je conchie les luttes de classes. Les communautés. Je ne veux rien posséder en commun avec qui que ce soit. Parce que souvent vous me faîtes tartir. Déjà bien obligé de vous supporter. Partageons juste un moment amical de temps à autre. Basta. Puis je m’en retournerai à mon mutisme. Parce que, comme l’a si bien scribouillé l’antraïgain à bacchantes, « je ne suis qu'un cri. Sans fil à la patte. Encore moins issu d'une écurie. Pas diplomate, je n'ai ni drapeau ni patrie, je ne suis pas rouge écarlate ni bleu ni blanc ni cramoisi. Je suis d'abord un cri pirate, de ces cris-là qu'on interdit. Je ne suis pas cri de plaisance ni gueulante de comédie, le cri qu'on pousse en apparence pour épater la compagnie. Moi si j'ai rompu le silence, c'est pour éviter l'asphyxie. Oui je suis un cri de défense, un cri qu'on pousse à la folie. Alors pardonnez si je vous dérange, je voudrais être un autre bruit. Etre le cri de la mésange, n'être qu'un simple gazouillis. Tomber comme un flocon de neige, être le doux bruit de la pluie. Mais je suis un cri qu'on abrège, je suis la détresse infiniiiiiiie».

« C'est pas bientôt fini avec tes conneries ? » Oui, lecteur. Bises, lectrice. T’aurais pas vu mon flingue et mes boules Quiès ? Maintenant, silence. Enfin.