dimanche 7 septembre 2014

Le fantôme de Mc Murphy

- M. Tricao ?
- Bonjour Madame.
- Bonjour. Bien. Asseyez-vous là. Alors, depuis la dernière fois, quoi de neuf ? Votre vue ? Toujours aucun souci de ce côté là ?
- Mouais… J’ai l’impression que ça baisse. De près uniquement. Sinon ça va. Mais je parviens encore à vous distinguer, Monsieur.
- Et facétieux avec ça ! On va regarder tout ça. Fatigué le soir ? Des maux de tête ?
- Non. J’arrive à lire mais pour la télé, j’ai plaqué l’affaire.
- Ah bon ?!? Des symptômes de quel genre ?
- Oh… Pour 95%, je dirais la nullité des programmes proposés et 5% parce que je ne retrouve généralement pas la télécommande suite à la baisse de ma vue de près.
- Alors vous, franchement ! Sinon vous lisez sur écran ? Sur E-Book ?
- Non. Gutenberg. Méthode ancestrale. Vous savez les caractères imprimés sur des pages de papier numérotées reliées entre elles et...
- Vous allez arrêter de vous foutre de moi, M. Tricao ?
- Pardon.
- Bon. Sinon, votre poids… Vous êtes monté sur la balance récemment ? Je vois que vous étiez en très légère surcharge pondérale lors de votre dernière visite et...
- C'est à dire que de me peser avec mon blouson de moto, mon casque et mes bottes parce que votre camion médical n'est pas chauffé l'hiver, forcément...
-  ….. Je peux reprendre ? Rien d’inquiétant non plus, hein. Conséquences de votre arrêt de fumer sûrement. Vous n’avez toujours pas repris au moins ?
- Pas depuis dix ans. Ma fiche informatique n’est pas à jour visiblement. Ah où est la belle époque des bons vieux dossiers médicaux cartonnés manuscrits remplis par de belles mains manucurées d'infirm…
- On peut avancer ou vous comptez poursuivre votre one man show dans le sas d’attente ?
- Ok. J’ai perdu dix kilos depuis la dernière fois que je vous ai vu. Mais aucun lien de cause à effet, rassurez-vous.
- Des soucis ou la simple volonté de faire un petit régime pour vous sentir mieux ?
- Les deux, mon capit... Pardon.
- Des soucis de quel ordre ? Le travail ? Familiaux ? Autres ?
- Cochez les trois. En fait, je crois que je supporte de moins en moins les autres. ‘fin, les cons surtout. Mais je ne dois pas être le seul dans ce cas.
- Effectivement. Petite déprime assez fréquente constatée à la quarantaine…
- L’âge ne fait rien à l’affaire. De 7 à 77 ans. Des cons. Point.
- Non, mais je parlais pour vous…
- Allez-y ! Traitez-moi de con pendant que vous y êtes !
- Enfin ! Vous vous méprenez ! J’évoquais votre coup de déprime, M. Tricao !
- Coup de déprime, je ne pense pas… Je crois qu’en fait j’ai toujours eu ça.
- De quoi ?
- Le goût de la solitude. Même si ce n’est pas très populaire d’après le père Capdevielle.
- ???
- Laissez. Ce sont mes références de vieux con. Ma part du gâteau.
- Trop de stress aussi dans votre boulot, peut-être ?
- Si vous appelez « stress » le fait de supporter mes collègues. Alors oui.
- Vous leur reprochez quoi exactement ?
- Leur connerie. Leur soumission plaintive. A propos de tout. En boucle. Infinie. Sans jamais avoir la moindre étincelle pour mettre le feu à tout ça. Toute cette énergie négative dépensée en vain, l'extinction du risque, du nouveau, c'est beau...
- Vous arrive t’il d’envisager qu’ils pourraient penser la même chose à votre endroit ?
- Pourquoi pas. Mais contrairement à eux, je fais des efforts. Je l’ouvre le moins possible. C’est un bon début, non ?
- Je ne sais pas… Et c’est moi qui pose les questions, M. Tricao. A part ça, pas de problème pour aller à la selle ?
- Oh, je suis un modeste cycliste du dimanche, vous savez. A peine trois mille kilomètres les meilleures années.
- Vous le faites exprès ? Vous voyez très bien de quoi je veux parler.
- Je vois très bien, je vois très bien… De loin alors ! Non, mais pas de problème. Hélas.
- Pourquoi « hélas » ?
- J’aimerais demeurer enfermé dans ces lieux plus longtemps. Pour lire, penser. Simplement pour échapper aux cons, en fait.
- Une petite fixation, quand même. Bon. Je vais vérifier votre tension.
- Faut peut-être que je retire ma combi de ski, non ? Ok. J’arrête.
- Neuf et six ! C’est faible, dites moi. Pas de vertige quand vous vous levez ?
- Uniquement quand je me couche, Doc’. Vertiges de l’amour. J’ai dû rêver trop fort. Ca m’prend les jours fér…
- Vous avez fini votre cirque, oui ?
- Oui.
- Bon, vous êtes apte. Un peu de lassitude mais je mets ça sur le compte d’une petite baisse de moral passagère. Mais vous pouvez toujours nous consulter si besoin. Vous m’avez l’air plus taquin que déprimé en fin de compte. Vous qui aimez la lecture, vous devriez écrire quand vous avez un coup de moins bien. Tenir un journal, par exemple. Beaucoup de gens font ça, vous savez. SUR PAPIER RELIE, HEIN, MONSIEUR TRICAO !?!
- En 2014 ??? Vous n’y pensez pas ! Ne le répétez pas, mais des savants un peu fous disent que l'on peut ouvrir son propre blog sur Internet. Vive la modernité, Docteur, non ?
- Fichez-moi le camp !
Bonne fin de journée, Miss Ratched.

lundi 1 septembre 2014

Les raisons de mon collyre

J’ai la crève. Eternuements en cascade. Les carreaux gonflés larmoyants et cette sale impression d’avoir reçu une poignée de sable dans les orbites. La voix qui déraille et oscille entre l’adolescente hystérique à un concert des One Direction et le fumeur de Gitanes maïs sans filtre en fin de chimio. Bref, la tronche comme un compteur à gaz. J’aime pas. Sale humeur, du coup. Comment et où j’ai chopé ça, lectrice ? Déjà pas dans ton derrière, espère ! Je sais. Grossier. Mais j’ai prévenu. En rogne. De mauvais poil… de cul, évidemment. Je n’ai pas attrapé froid non plus lors de la mascarade actuelle de l’Ice Bucket Challenge, si tu veux savoir. Tu sais, tous ces lourdingues connus et inconnus qui croulent sous un torrent d’eau glacée tout en prenant soin d’innover dans le pathétique et le ridicule afin de figurer en pole sur les réseaux sociaux et autres télés. Montrer qu’on a des relations, des potes, que l’on est dans la place. « Je suis retweeté par les stars de ce monde, mon gars ». Toujours en mémoire ce journaleux donnant du « Bob » à Monsieur De Niro. Va te faire…

Puis elles ont bon dos, les nobles causes. Se battre mondialement contre la maladie de Charcot. Ok, pourquoi pas. T’en penses quoi, Bob ? Ouarf, ouarf. La tendance est au paraître. Montrer que l’on a du blé mais aussi et surtout du cœur. Business oblige, si tu peux faire ta propre pub de bon samaritain en même temps, hein. Donner discrètement ton obole, ce n’est pas jouable ? « Mais tu me prends pour un charclo, Tricao ! ». Charcot, mon bon, Charcot. Et puis c’est toi qui donne et non qui reçoit. Au final, je n’ai pas participé. Note bien que je le regrette. Pour ne pas rompre la chaîne (du froid), j’aurais nominé Michael Schumacher, un Gremlins et un petit africain déshydraté. Oh, ça va, c’est pas plus cynique que leurs actes à ces cons. De l’espièglerie d’un allergique à l’ambroisie, tout au plus. Parce que oui, pour revenir à mon rhume, c’est de l’allergie. Une variante du rhume des foins. Option latin. Ambrosia artemisiifolia. Ca te la coupe ça, hein ma vieille ? Ben ma haute culture en mauvaise herbe, bien sûr ! Parce que pour ce qui est de la plante allergisante, mieux vaut arracher la racine avec, et ce, afin d’éviter toute prolifération, merci d’être venu lecteur, tu peux retourner devant les Chtis ou Minots à Pétaouchnok-mais-pas-chez-moi, je continuerai sans toi. Va te faire…

Fleur venue d’Amérique du Nord et disséminée depuis essentiellement par l’Homme. Et tu voudrais que je ne renouvelle pas mon adhésion pas au Misanthrope’s Club, lecteur ? Bref. Les AA (allergiques anonymes), nous représentons environ dix pour cent de la population en France. Pas négligeable, non ? Et bien est-ce que je grimpe au sommet du grand mât de mon brick réclamer corps et âme mais surtout à cri à la planète entière un Pollen Bucket Challenge ?  Non. Je reste humble. Les plus grandes douleurs sont muettes, paraît-il. Bien qu’en ultime parade, il reste toujours la cortisone. La fameuse piquouse apaisante qui donne raison à ce salopard de chauffard du dimanche qui frôle volontairement mon biclou lors de mes sorties dominicales sur les routes de campagne en me traitant de dopé car je ne laisse pas ma portion de bitume à son gros 4x4 de merde quand il va chercher son pain et ses clopes. Va te faire…

Bon, je dois te laisser, lectrice. Mon ire empire et le petit flacon de collyre me fait de l’œil. Ah oui, j’oubliais. Bon anniversaire, le Cri Pirate. Deux piges et cinquantième billet au compteur. Laisse moi t'offrir néanmoins ce modeste bouquet de nerfs.