Je t’ai déjà causé de l’angelot
et du diablotin qui s’affrontent lors de mes réflexions sur des sujets
épineux ? Sûrement. Sinon tu n’as
qu’à imaginer le tableau composé d’un avocat à auréole dorée et ailes dorsales et
d’un procureur à trident aiguisé et cornes frontales dessinés par Gotlib ou
Maëster (je vous aime, prenez soin de vous) perchés à hauteur de mon oreille,
s’étripant dans un procès haut en couleurs. Affaire du jour : Bertrand
Cantat. Toujours pas résolue. D’un côté les réquisitoires, ne plus parler de
l’assassin, boycotter sa musique, trouver indécent le fait de remonter sur
scène, etc. De l’autre les plaidoiries, sa dette payée, est-il possible
d’interdire à un repris de justice d’exercer à nouveau son métier même
médiatique, séparer l’œuvre de l’artiste des actes de l’homme, etc. Bref. Moi,
au milieu de tout ça, comme un juré que je refuse d’être.
Je pourrais faire comme
certains. L’autruche. Essentiellement les radios. J’écoute, je parle de ses
disques mais sans prononcer le nom de l’infâme. Je cours à ses concerts en
rasant les murs et priant de ne croiser quelque connaissance. Ou alors pérorer ici
ou là qu’il fait maintenant « de la merde », nostalgie de Noir Dez,
blablabla. Tu les connais, lecteur, ces courageux de l’ordinaire, ces
opportunistes chers à Dutronc. Mais voilà. Je ne suis pas un média, je trouve
le groupe Detroit excellent de sobriété, mélange de poésie et de rage. Un rock
jubilatoire. Et je n’arrive pas à dissocier l’auteur-compositeur Cantat, un des
plus doués de sa génération, de l’assassin Cantat, bourreau de Marie
Trintignant et indirectement de Kristina Rady, si j’en crois les gazettes bien
mieux renseignées que les magistrats instructeurs. La presse people attirée par
l’odeur du sang. Meurtre au sein d’un couple médiatique. La rock star qui
élimine son égérie. L’aubaine. Condamné à perpétuité même dehors. Quand
l’émotionnel l’emporte sur la raison. Sujet de société de plus en plus présent
dans ma lucarne. Observe Delahousse, Pujadas & Co, lectrice, et reviens me voir.
J’en suis au stade des
délibérations. L’angelot et le diablotin se sont rassis. Je vous laisse à vos
conflits sur le courage ou la provocation de montrer à nouveau sa trogne en
public, au droit à la seconde chance ou à la condamnation irrévocable. L’artiste
rocker n’est pas dangereux. L’homme l’a été, par jalousie, écorchure,
agressivité incontrôlée, ce n’est pas à moi de définir les instruments du
crime. Lecteur, tu peux trouver ce billet anachronique. Faut dire que j’ai
longtemps laissé infuser. Mais je crois que le débat ne sera jamais clos. Une
sorte de traversée du désert. Tempêtes de sable et soleil brûlant se succèdent.
A la recherche d’un nouveau monde, d’un nouveau souffle. Le vent nous portera.
Tout disparaîtra.