mardi 12 novembre 2013

Derby or not derby

Je suis un enfant du derby. Attention, pas de quoi se la péter, lecteur. Nous sommes des milliers. Depuis des générations. Stéphanois ou lyonnais. Maintenant quand tu nais à quelques encablures de Gerland, forcément, tu n’as pas le choix. Ou alors t’en foutre, et dans ce cas, salut vieux, merci d’éteindre ton ordi’ avant de sortir. Bon. Tu es là ? Je poursuis. Semaine dernière, le lion a une fois de plus terrassé la panthère. Vingt piges que le chaudron n’a pas chaviré de bonheur dans les travées enfiévrées de ses vertes tribunes. Oh note bien que je n’en retire aucune gloriole. Hormis peut-être à la machine à café le lundi matin. Heure du débriefing sportif ou politique où il n’est pas rare que je rêve d’énucléer certains à la touillette vengeresse. Ce lundi, bien maigre triomphe. D’autant plus que par le passé, cela ne fût pas toujours le cas. A la lecture des statistiques étalées sur quelques décennies, chaque club navigue au gré de résultats et de recrutements plus ou moins fastes  en tentant d’éviter de sombrer lors des deux écueils que constituent ces icebergs saisonniers : les matchs aller et retour du fameux derby en question. Mais qui te feront quand même accomplir chaque été le même rituel. Le nez penché au dessus du calendrier France Footeux, toi le Indiana Jones rhônalpin, le doigt explorateur et fébrile à la recherche des deux seules dates qui comptent. Alors où je veux en venir aujourd’hui, lecteur ? Et bien là. Ni nostalgie béate, ni rancœur féroce. Simple constat même pas amiable du climat délétère que cette rivalité footballistique véhicule depuis pas mal d’années déjà.

Pour mieux t’expliquer le fond de ma pensée, je vais évoquer un symbole de cet antagonisme du ballon rond. Laurent Fournier. Un gone pur jus. Formé au club où il connaîtra joies de l’élite et désillusions de la deuxième division, le purgatoire de l’époque. Gloire lui soit rendue par ce modeste billet lui qui, un dimanche après midi hivernal de 1985, a réduit mon supplice à la caféine post week-end en inscrivant un but à l’ultime minute d’une mémorable correction administrée en deux temps trois mouvements soit cinq buts, le compte est bon. Trois ans plus tard, des plus bad que gones m’annonçaient qu’il « passait à l’ennemi ». Vocable guerrier de merde. Rien d’anormal non plus quand tes petits chefs s’enorgueillissent du titre de capo. Dieu, si tu es encore en ligne et sinon rebranches ta box, pourquoi les avoir faits si cons ? Bref. J’étais également présent le jour du retour du fils prodigue à Gerland (pas Jésus, hein, faut suivre mon gars, je parlais de Fournier). Hué par une poignée de décérébrés mais chaleureusement ovationné par une majorité du public debout. Pas de devoir de mémoire sportive, hein ! Non juste une simple question de respect envers celui dont l’abnégation sans faille a embelli les couleurs sportives de sa ville. Mais je te parle d’un temps……où les chants aznavouriens formaient déjà le répertoire des abrutis de service. N’en déplaise aux bas du Front, encourager son équipe soit, mais de là à insulter l’adversaire, t’avoueras….

Puis il s’en est allé voir du pays. St Etienne, Marseille, Paris, Bordeaux, etc. Certains ont déblatéré qu’il rejoignait le clan des mercenaires. L’appât du gain. Je parlerais plus naturellement de parcours de joueur libre. Et puis l’un n’empêche pas l’autre. Le sport n’est pas la guerre. Quand tu donnes le meilleur de toi-même partout où tu passes, je ne vois pas en quoi tu es un « traître ». Mercenaire, traître, termes encore bien bellicistes, t’as noté lecteur ? D’autant plus quand les clubs quémandeurs de tes bons et loyaux services figurent en haut de l’affiche hexagonale du moment. Sois fier, mon Lolo. Tu as bien mérité ta carrière. Tout ça pour en revenir à cette animosité qui s’installe un peu plus chaque saison. La dérision des banderoles, le chambrage bon enfant disparaissent devant les actes barbares. Un ligérien tabassé par deux lyonnais à la sortie de son boulot. Les rendez-vous sur les aires d’autoroute, dans les parkings souterrains. Hooliganisme national. Fierté régionale. Verts de rage, rouges de honte. Restent mes bleus à l’âme. Et maintenant l’interdiction des déplacements de supporters. Pas prêt d’aller partager un bout de gradin coude à coude avec mes potes stéphanois. Manquerait plus qu’ils me sucrent la machine à caoua du lundi matin. Au secours.

mercredi 6 novembre 2013

Récré à deux

Aujourd’hui une charmante fable amorale d’auteur inconnu retrouvée par le plus pur des hasards dans ma malle de vieux flibustier et que je ne résiste pas au plaisir de te narrer, jeune lectrice avide de sensations fortes et d’humour finaud. Ames sensibles s’abstenir. La morale de cette histoire parlera également au vieux téléspectateur à pelage grisonnant voire disparate.

Il était une fois, bien avant l’avènement des Beatles mais bien après Jésus Christ, une course hippique qui se déroulait dans une bourgade éloignée de toute contrée civilisée. Je reste volontairement dans le flou afin de ne pas être importuné par les olibrius toujours prompts à bondir sur leur glaive laser à pointe octogonale pour me faire payer les éventuels anachronismes et autres incohérences géographiques. Participaient à ce défi bon nombre de personnalités de l’époque, dont le Prince Huilda (Rachid pour les intimes) portant sa traditionnelle jaquette à col mode gothique. Col célèbre auquel on prêtait de mystiques pouvoirs car depuis que le Prince portait ce dernier, il n’avait jamais essuyé de défaite. Un jeune freluquet prénommé Akta s’était également inscrit avec un vieux canasson ayant déjà un jarret au Père Lachaise. La ressemblance troublante avec l’oracle de la cité attirait les quolibets des passants envers notre jeune héros. Par chance, ce dernier était extrêmement rusé, certains allant jusqu’à dire qu’il était malin comme une hyène. Akta, désireux de rafler le premier prix gratifié d’une nuit en compagnie de la princesse Bebeck (Nadine pour les intimes), décida de rendre visite au vieux sage non voyant Zaratou (ndlr : il s’agit rigoureusement du même personnage dans toutes les contes ancestraux, simplement dans Star Wars l’ont-ils affublé d’oreilles spokiennes et peint en vert ou alors mon écran 16/9 est déréglé…). Akta questionna l’Ancêtre bigleux sur la remise en forme de son vieux bourrin afin que ce dernier batte à plate couture les autres enculés ongulés et notamment le splendide alezan du Prince Huilda avec son col ridicule.
Le Maître Corbeau lui tint à peu près ce langage : « O petit Akta, en vérité je te le dis, en Glaviosie tu te rendras, un plat en fer ramèneras, d’excréments le rempliras, un hamster sacrifieras, aux plantes qui font rigoler le cuisineras, à ta monture le donneras, et fulgurant ton cheval sera. J’ai dit. » Ainsi parla Zaratou, strabisme en option, avant d’ajouter « Maintenant barres toi, tu mets de l’ombre sur mes babouches. » Sur ces glorieuses paroles, notre nouvel ami Akta se rendit en Glaviosie, province jouxtant l’Estonie et le Tadjikistan, comme tu n’es pas sans ignorer, lecteur fidèle de SAS chez les Ploucs à chapka. Il se procura par des moyens inavouables car contraires à la morale, un petit plat en fer dans lequel il plaça une sélection d’étrons dignes d’un pachyderme subissant une gastroentérite d’anthologie. Puis se dirigea vers la grotte de la Bête, je veux bien sûr parler du sauvage et féroce hamster masqué. Après avoir terrassé le monstre à coup de figues molles, Akta se rendit à Bâr Bhès où il se procura sans mal un plan de haschich. Il farcit ensuite le hamster avec la plante, non sans avoir pris la précaution de l’entourer de chatterton afin d’éviter toute explosion malencontreuse et s’en alla le baume au cœur et la merde au cul vers le lieu de l’épreuve.
Les chevaux étaient dans les box de départ, prêts à jaillir. Akta se mit en place, habilement déguisé en bossu afin de cacher dans cet appendice factice, le hamster et le plat de Glaviosie. Les insultes fusaient à son encontre : « Ouah les keums ! Z’avez téma la chetron du Bossu ! On dirait l’oracle ! ». Le Prince Huilda, hautain avec son col façon gothique, toisait également Akta avec mépris. Au signal, les chevaux s’élancèrent sauf celui de notre jeune héros. Ce dernier sortit le plat au hamster et le plaça sous les naseaux de son fidèle destrier. La pauvre bête, sous les effets nauséeux des hallucinogènes, se cabra, s’élança et dépassa tous les autres concurrents avant de s’adjuger une étincelante victoire sous les yeux du Prince qui, de rage, s’arracha son col aux ex pouvoirs magiques.


Moralité : Afin de battre le col goth, Akta ruse avec sa gueule d’oracle. Plat d’étrons, hamster au hasch, et le corniaud fulgure.