vendredi 13 décembre 2013

Le marin des ondes

Salut lecteur du Cri Pirate. Hurlement funeste du flibustier devrais je écrire. Car nouvel hommage à un récent disparu. Alors oui, ça y est, je te devine déjà l’œil éteint, l’index prompt à glisser sur la vitre de ton Aïe pad 747 afin de faire défiler à toute berzingue les sites marchands de bonheurs éphémères étiquetés « Joyeux Noël ». Tablette high tech fin 2013 mutant low coast dès janvier 2014. Obsolescence, un des vocables préférés du geek. Bref. Revenons au sujet du jour. Même si l’amical Nelson du navire sud africain mérite amplement les témoignages d’affection de son peuple bien plus que les larmes de crocodile découlant d’une nauséabonde négrologie pondue par une poignée d’afrikaners nostalgiques du temps jadis, figure-toi que ce n’est absolument pas de ce dernier dont je souhaitais t’entretenir. Mon disparu à moi a eu l’humilité de larguer les amarres en catimini. Et toujours ce sentiment salement mélancolique de ma jeunesse qui se barre à vitesse supersonique. Donc parlons de mon père. Attention, pas de quiproquo, le mien de paternel se porte comme un charme, je te remercie. Te fais pas de bile, l’ancien solide comme il est, il devrait t’enterrer toi et toute ta famille, charognard de lecteur ! Non, je vais plutôt évoquer l’UN de mes pères. Spirituels s’entend. Brel, Brassens, Desproges, et Dard avaient ouvert le bal et creusé un peu plus le sillon de mes errances nocturnes, culturelles et solitaires. Et voilà que ce diable de Jean Louis Foulquier décarre à son tour rejoindre le bistrot des anges si cher au rouge gorge de Paname.
Captain Café. L’unique « pollen » qui laissait mes allergies en veilleuse. T’avais pas le droit, Jean Louis. Dorénavant, qui va me faire découvrir, sans cette voix embrumée par les plaisirs et douleurs de la vie, les nouveaux talents musicaux de ce putain d’Hexagone ? Lenoir mais surtout tézigue avez été mes sessions radiophoniques de chevet. Panachage de confessions feutrées et de tonitruants fous rires. Amitié, loyauté, et fidélité des Lavilliers, Higelin, Thiéfaine, Couture, Personne, Kent, Miossec et j’en oublie. Peu importe le temps qui se fait la malle. Ceux-ci seront toujours vivants. Ferré les baptisait les drôles de types. Sculpteurs de rimes, orfèvres ciseleurs du couplet, bâtisseurs de refrains pour l’éternité. Quant à ceux que l’on appelle pompeusement la nouvelle scène française ? Let's go. N’importe quoi pourvu que ça bouge. Punk, rock, jazz, rap, acoustique,  slam, je m’en balance. Que la langue vive. Que les mots, les idées, les images s’entrechoquent. Pas de discours foireux et insipide de bicorne à dorure du quai Conti, s’auto qualifiant d’immortel (bien moins que tes invités, mon Jean Louis !) de manière si présomptueuse. Pas non plus de pseudo analyse économique sur les ventes de CD ou téléchargements à t’en décrocher la mâchoire d’ennui. Juste du miel poétique tartiné sur des notes chaudes et colorées.
Eté 2013. La Rochelle. J’ai jeté l’ancre une poignée d’heures dans cette belle cité. Confortablement installé à la terrasse d’un bar du vieux port, les premiers reflets d’août s’égarent au fond de mon bock. Couleur ambre. L’esprit vagabond. Vue sur les tours menant à l’entrée du chenal. Un symbole. A la fois gardiennes d’un riche patrimoine culturel mais aussi tournées vers l’aventure, l’exploration, la découverte de nouveaux horizons. J’y retrouve l’âme de deux enfants du pays. Bernard Giraudeau et Jean Louis Foulquier. Bon vent les gars. Dans le brouillard ambiant des nuits sans sommeil, modeste phare du souvenir, je veille.

mardi 12 novembre 2013

Derby or not derby

Je suis un enfant du derby. Attention, pas de quoi se la péter, lecteur. Nous sommes des milliers. Depuis des générations. Stéphanois ou lyonnais. Maintenant quand tu nais à quelques encablures de Gerland, forcément, tu n’as pas le choix. Ou alors t’en foutre, et dans ce cas, salut vieux, merci d’éteindre ton ordi’ avant de sortir. Bon. Tu es là ? Je poursuis. Semaine dernière, le lion a une fois de plus terrassé la panthère. Vingt piges que le chaudron n’a pas chaviré de bonheur dans les travées enfiévrées de ses vertes tribunes. Oh note bien que je n’en retire aucune gloriole. Hormis peut-être à la machine à café le lundi matin. Heure du débriefing sportif ou politique où il n’est pas rare que je rêve d’énucléer certains à la touillette vengeresse. Ce lundi, bien maigre triomphe. D’autant plus que par le passé, cela ne fût pas toujours le cas. A la lecture des statistiques étalées sur quelques décennies, chaque club navigue au gré de résultats et de recrutements plus ou moins fastes  en tentant d’éviter de sombrer lors des deux écueils que constituent ces icebergs saisonniers : les matchs aller et retour du fameux derby en question. Mais qui te feront quand même accomplir chaque été le même rituel. Le nez penché au dessus du calendrier France Footeux, toi le Indiana Jones rhônalpin, le doigt explorateur et fébrile à la recherche des deux seules dates qui comptent. Alors où je veux en venir aujourd’hui, lecteur ? Et bien là. Ni nostalgie béate, ni rancœur féroce. Simple constat même pas amiable du climat délétère que cette rivalité footballistique véhicule depuis pas mal d’années déjà.

Pour mieux t’expliquer le fond de ma pensée, je vais évoquer un symbole de cet antagonisme du ballon rond. Laurent Fournier. Un gone pur jus. Formé au club où il connaîtra joies de l’élite et désillusions de la deuxième division, le purgatoire de l’époque. Gloire lui soit rendue par ce modeste billet lui qui, un dimanche après midi hivernal de 1985, a réduit mon supplice à la caféine post week-end en inscrivant un but à l’ultime minute d’une mémorable correction administrée en deux temps trois mouvements soit cinq buts, le compte est bon. Trois ans plus tard, des plus bad que gones m’annonçaient qu’il « passait à l’ennemi ». Vocable guerrier de merde. Rien d’anormal non plus quand tes petits chefs s’enorgueillissent du titre de capo. Dieu, si tu es encore en ligne et sinon rebranches ta box, pourquoi les avoir faits si cons ? Bref. J’étais également présent le jour du retour du fils prodigue à Gerland (pas Jésus, hein, faut suivre mon gars, je parlais de Fournier). Hué par une poignée de décérébrés mais chaleureusement ovationné par une majorité du public debout. Pas de devoir de mémoire sportive, hein ! Non juste une simple question de respect envers celui dont l’abnégation sans faille a embelli les couleurs sportives de sa ville. Mais je te parle d’un temps……où les chants aznavouriens formaient déjà le répertoire des abrutis de service. N’en déplaise aux bas du Front, encourager son équipe soit, mais de là à insulter l’adversaire, t’avoueras….

Puis il s’en est allé voir du pays. St Etienne, Marseille, Paris, Bordeaux, etc. Certains ont déblatéré qu’il rejoignait le clan des mercenaires. L’appât du gain. Je parlerais plus naturellement de parcours de joueur libre. Et puis l’un n’empêche pas l’autre. Le sport n’est pas la guerre. Quand tu donnes le meilleur de toi-même partout où tu passes, je ne vois pas en quoi tu es un « traître ». Mercenaire, traître, termes encore bien bellicistes, t’as noté lecteur ? D’autant plus quand les clubs quémandeurs de tes bons et loyaux services figurent en haut de l’affiche hexagonale du moment. Sois fier, mon Lolo. Tu as bien mérité ta carrière. Tout ça pour en revenir à cette animosité qui s’installe un peu plus chaque saison. La dérision des banderoles, le chambrage bon enfant disparaissent devant les actes barbares. Un ligérien tabassé par deux lyonnais à la sortie de son boulot. Les rendez-vous sur les aires d’autoroute, dans les parkings souterrains. Hooliganisme national. Fierté régionale. Verts de rage, rouges de honte. Restent mes bleus à l’âme. Et maintenant l’interdiction des déplacements de supporters. Pas prêt d’aller partager un bout de gradin coude à coude avec mes potes stéphanois. Manquerait plus qu’ils me sucrent la machine à caoua du lundi matin. Au secours.

mercredi 6 novembre 2013

Récré à deux

Aujourd’hui une charmante fable amorale d’auteur inconnu retrouvée par le plus pur des hasards dans ma malle de vieux flibustier et que je ne résiste pas au plaisir de te narrer, jeune lectrice avide de sensations fortes et d’humour finaud. Ames sensibles s’abstenir. La morale de cette histoire parlera également au vieux téléspectateur à pelage grisonnant voire disparate.

Il était une fois, bien avant l’avènement des Beatles mais bien après Jésus Christ, une course hippique qui se déroulait dans une bourgade éloignée de toute contrée civilisée. Je reste volontairement dans le flou afin de ne pas être importuné par les olibrius toujours prompts à bondir sur leur glaive laser à pointe octogonale pour me faire payer les éventuels anachronismes et autres incohérences géographiques. Participaient à ce défi bon nombre de personnalités de l’époque, dont le Prince Huilda (Rachid pour les intimes) portant sa traditionnelle jaquette à col mode gothique. Col célèbre auquel on prêtait de mystiques pouvoirs car depuis que le Prince portait ce dernier, il n’avait jamais essuyé de défaite. Un jeune freluquet prénommé Akta s’était également inscrit avec un vieux canasson ayant déjà un jarret au Père Lachaise. La ressemblance troublante avec l’oracle de la cité attirait les quolibets des passants envers notre jeune héros. Par chance, ce dernier était extrêmement rusé, certains allant jusqu’à dire qu’il était malin comme une hyène. Akta, désireux de rafler le premier prix gratifié d’une nuit en compagnie de la princesse Bebeck (Nadine pour les intimes), décida de rendre visite au vieux sage non voyant Zaratou (ndlr : il s’agit rigoureusement du même personnage dans toutes les contes ancestraux, simplement dans Star Wars l’ont-ils affublé d’oreilles spokiennes et peint en vert ou alors mon écran 16/9 est déréglé…). Akta questionna l’Ancêtre bigleux sur la remise en forme de son vieux bourrin afin que ce dernier batte à plate couture les autres enculés ongulés et notamment le splendide alezan du Prince Huilda avec son col ridicule.
Le Maître Corbeau lui tint à peu près ce langage : « O petit Akta, en vérité je te le dis, en Glaviosie tu te rendras, un plat en fer ramèneras, d’excréments le rempliras, un hamster sacrifieras, aux plantes qui font rigoler le cuisineras, à ta monture le donneras, et fulgurant ton cheval sera. J’ai dit. » Ainsi parla Zaratou, strabisme en option, avant d’ajouter « Maintenant barres toi, tu mets de l’ombre sur mes babouches. » Sur ces glorieuses paroles, notre nouvel ami Akta se rendit en Glaviosie, province jouxtant l’Estonie et le Tadjikistan, comme tu n’es pas sans ignorer, lecteur fidèle de SAS chez les Ploucs à chapka. Il se procura par des moyens inavouables car contraires à la morale, un petit plat en fer dans lequel il plaça une sélection d’étrons dignes d’un pachyderme subissant une gastroentérite d’anthologie. Puis se dirigea vers la grotte de la Bête, je veux bien sûr parler du sauvage et féroce hamster masqué. Après avoir terrassé le monstre à coup de figues molles, Akta se rendit à Bâr Bhès où il se procura sans mal un plan de haschich. Il farcit ensuite le hamster avec la plante, non sans avoir pris la précaution de l’entourer de chatterton afin d’éviter toute explosion malencontreuse et s’en alla le baume au cœur et la merde au cul vers le lieu de l’épreuve.
Les chevaux étaient dans les box de départ, prêts à jaillir. Akta se mit en place, habilement déguisé en bossu afin de cacher dans cet appendice factice, le hamster et le plat de Glaviosie. Les insultes fusaient à son encontre : « Ouah les keums ! Z’avez téma la chetron du Bossu ! On dirait l’oracle ! ». Le Prince Huilda, hautain avec son col façon gothique, toisait également Akta avec mépris. Au signal, les chevaux s’élancèrent sauf celui de notre jeune héros. Ce dernier sortit le plat au hamster et le plaça sous les naseaux de son fidèle destrier. La pauvre bête, sous les effets nauséeux des hallucinogènes, se cabra, s’élança et dépassa tous les autres concurrents avant de s’adjuger une étincelante victoire sous les yeux du Prince qui, de rage, s’arracha son col aux ex pouvoirs magiques.


Moralité : Afin de battre le col goth, Akta ruse avec sa gueule d’oracle. Plat d’étrons, hamster au hasch, et le corniaud fulgure.

mercredi 30 octobre 2013

L'école de la vie

Tchoc. Tchoc tchoc. Le sac de frappe en face de moi qui se balance au bout de sa chaîne. Accroches toi lascar. Cette putain de sueur qui vient me brûler les yeux. Tchoc. Tchoc tchoc. Jeudi. Jour d’entraînement. Travail au sac. « Toujours respecter le travail gamin ! Le noble art, ça te parle ?» me surine Riquet, le proprio de la salle. Une épée en son temps, M. Henri. Un championnat d’Europe disputé puis la descente aux enfers. La vilaine blessure. Le combat de trop. Décollement de rétine. Un classique. Fin de carrière en honorable sparring-partner de quelques pointures. Mais il lui reste ça à M. Henri, son regard vif. Roublard jugeaient ses adversaires d’un soir. En témoigne le portrait années 70 accroché au mur du petit bungalow qui surplombe le vieux gymnase. Cadeau des studios Harcourt. Avec en dessous la devise du club : exigence, vaillance, élégance. Allez bouge toi, grand. Tourne. Plus vite. Apprendre à utiliser le ring dixit Marco. Direct et crochet. Tchoc tchoc. La « une-deux ». Puis relever les gants tout de suite. Monter les mains est la première règle que j’ai apprise. Ne pas rester à découvert. Jamais. En mouvement. Toujours. Descendre à gauche, à droite mais haut et bas également. Pas laisser le temps au tocard d’en face de te travailler par en dessous. La science du combat ne s’improvise pas. Esquiver et toucher. Comme un pur styliste. Encore du pain sur la planche.

La cloche. Pause de trois minutes. Le moral dans les chaussettes. Le métronome de cuir finit son mouvement de balancier. Je le bloque à l’aide de mes avants bras meurtris par l’effort. Autant fourbu que le gars à la dérive qui s’accroche à son adversaire pour l’empêcher de cogner. Marco me gueule dessus. Le championnat est pas loin et je suis à la ramasse ce soir. Pas de jambes, pas de souffle. Flagrant manque de caisse. « Impossible de tricher, mon gone, c’est ce qui fait la beauté de la boxe ! persifle Riquet. Ne crois jamais les cons qui te parlent de sport de bourrins. Y’a pas plus complet. D’abord le physique, gamin. Force, vitesse, souplesse, endurance, équilibre. Mais la psychologie avant tout garçon,  sans quoi t’es juste un bon à rien. Esprit tactique et d’adaptation, maîtrise de soi, sens de l’observation, tu sais la fameuse vista employée à tort et à travers. Et puis l’esquive, l’anticipation, et enfin l’atout capital, le RYTHME. Comme pour la musique ! T’es un danseur mec ! Un putain de danseur ! Rappelle moi Ali, bordel ! » J’écoute. Je récupère. Je fixe Marco, l’œil noir. C’est celui qui m’a tout appris. Mon canif suisse à moi. Le tout en un. Soigneur, coach, homme de coin, parfois confident. Le seul de qui j’accepte tout sans rebeller. Même mon paternel n’a jamais su.


Nouvel exercice. Toujours bosser ses gammes. Les différents pas. Le pas de diagonale propice à un nouvel angle d’attaque, le classique pas chassé. Et ma spéciale : le P2R. Un pas-de-retrait pour l’esquive avant d’enchaîner sur un pas-de-retour pour repartir à l’assaut de plus belle. Ca va mieux, Marco m’encourage. Je passe au punching-ball. Les mains au repos. Travail statique, les pieds collés au sol avec juste les ondulations du buste. Pour ne pas rester dans l’axe. Le mouvement, encore et toujours. Spécialité incontestée d’une des idoles de toujours de Marco : Sugar Ray Leonard. Pour terminer, analyse du jeu de ma future proie. Marco l’a supervisée plusieurs fois. Un gaucher. Dans le jargon, une fausse-patte. Ou fausse-garde si tu préfères. Bon jabbeur en plus. La totale. « La grosse lacune, me rassure Marco, son jeu de jambes. Digne d’un cul de jatte qui s’inscrirait sur 110 m haies ! ». Du Marco dans le texte.  A moi de jouer avec mes atouts. Bon encaisseur, attentiste, renard dans l’âme. Ne pas se faire cueillir à froid, laisser passer l’orage et rentrer dans le lard. Par prudence, le laisser au maximum à distance. Jouer avec mon allonge. Et dès que possible chercher l’ouverture, trouer sa garde, riposter. Fin du round. Vestiaire. Douche rapide. Sac sur l’épaule. Marco ferme derrière moi en sifflotant Battling Joe. J’enchaîne avec les premières notes de Quatre boules de cuir. Notre gimmick de fin de séance. Demain, il faudra remettre ça. Du cœur à l’ouvrage. J’apprends encore. Toujours. Mon école de la vie.

mercredi 2 octobre 2013

J'ai mal au monde

Nous évoluons, paraît-il, dans une société où le « vintage » est à la mode. Pas faux. Je m’en rends compte un peu plus chaque jour. Un exemple ? Ok. La bonne vieille pétition pro peine de mort. Je ne te cause pas de celle des nostalgiques des bois de justice à lame affûtée, scribouillée à la va-vite sur des tréteaux en fin de vie lors du marché dominical de la mamie à cabas sur roulettes mal graissées. Non, le vintage a ses limites. Maintenant tout se fait via les réseaux sociaux. Tu parles d’un social ! Une chance pour nos oreilles à défaut de nos yeux. Car je perçois nettement moins les couinements mêlés des ménagères récalcitrantes et de leurs caddies depuis qu’elles errent sur le web et se lâchent derrière leur écran domestique. Vive le progrès ! Quand la pointe rageuse du stylo Bic (pardonnez moi les venimeuses rombières, je sais que vous ne les supportez pas mais on ne va quand même pas rebaptiser cette marque du simple fait de votre  « arabophobie ») est mise au rebus au profit du clavier qui recrache tout haut ce que nous serions sensés penser tout bas. Dixit ces mêmes réseaux. Merci Facebook pour l’inconditionnel soutien apporté au bijoutier féru de ball-trap sur scootériste. Merci Twitter de justifier le geste d’un meurtrier et d’enterrer définitivement le peu de scrupules qu’il lui restait. Peut-être son ultime zeste d’humanité. Et tout ce beau monde de gagner la rue pour un apéro géant entre électeurs, de gauche, de droite jusqu’à l’extrême. Bras d’ssus, bras d’ssous, main dans la main, bientôt autant de têtes de noeuds dans le fondement… de ta République. La mode, vous dis-je.

Se faire justice. Quand la vengeance immédiate se gausse du reste sous couvert de légitime défense. Légitime défonce à coups de vendanges tardives, ouais ! Mettons que le tireur ne soit pas encarté chez « Honneur & Loi du Talion », le club de tir réservé aux parkinsoniens azuréens. Plein d’assurance suite à son carton à la dernière fête de l’école, il dégomme le pneu arrière du scooter qui fait une embardée et tue malencontreusement un gamin qui passait par là. Tu es le père du gosse. Tu butes le Josh Randall à gourmette - s’cusez mais j’ai jamais pu saquer les proprios de breloques au poignet - et dans la foulée, tu achèves d’une balle dans la nuque le pilote du deux roues, parce que merde, t’as un peu les nerfs quand même, ton môme quoi ! Dame Justice baisée à même le macadam par l’émotif, la soif de représailles, l’aliénation télévisée du fait divers, etc. Come back de l’homme de Neandertal. Toi le lecteur croyant rarement pratiquant, tu vois bien que l’Homme n’a rien retenu depuis plus de deux mille piges. Depuis cette conne d’Eve, qui à l’instar de n’importe quelle mamie gâteau aurait mieux fait de préparer de la compote que de croquer dans le fruit défendu, pour parvenir jusqu’à notre Charles Bronson joaillier apprenti dézingueur. Du plomb dans la cervelle ? Au propre sûrement mais pas au figuré.

J’ai mal au monde, lecteur. Y’a un médecin qui me lit ? Que va faire ton môme ? Descendre en marche du train de la honte quotidienne ? Ou bien marchand d’armes de proximité ? Modérateur hyper conciliant pour appels à la haine vindicative sur le net ? Jobs d’avenir ! A ce rythme, dessouder du fainéant de chômeur longue durée, du sdf trop voyant en bas de ton logis, voire simplement du motard garé abusivement sur ton trottoir deviendront épreuves inscrites aux Jeux 2028. Toujours plus vite, plus haut, plus fort dans l’ignominie. D’ici là, la chasse aux Roms comme terrain d’entraînement. Avec le soutien indéfectible de Régis C., maire de son état. Merde de son état. De dérapage en dérapage, on glisse. Jusqu’à quand ? On tombe toujours plus bas. Jusqu’où ? Je blanchis cet écran noir et puis je m’aperçois que je voulais te causer d’autre chose encore. Qui obsède nos média et donc par ricochet notre ménagère scélératicide. Le retour de Bertrand Cantat. Droit dans le soleil. Devant la cohorte de procureurs en herbe, marche à l’ombre me semblerait plus approprié. Les grandes douleurs sont muettes ? Respect à vous, Jean Louis Trintignant. Chut.

lundi 9 septembre 2013

Fenêtre sur tour

Mon nom ne t’apporterait rien. Dans mon quartier, on me surnommait Jeff. Pour Jeff Jefferies. Rôle interprété par James Stewart dans ce vieil huis clos hitchcockien. La raison ? De ma fenêtre, j’assistais, impuissant, aux faits et gestes de mes contemporains. Comme une vigie. Un mirador tourné sur l’extérieur. Jusqu’au matin où je t’ai découvert. Début des années 70. Gamin pédalant sur un vélo flambant neuf. La trajectoire pas encore rectiligne sur ce quai du Rhône pourtant on ne peut plus droit. Ton père, fringant trentenaire, prêt à lâcher ta selle, à te poursuivre, à te rattraper en cas de chute. Premier envol. Quelques instants plus tard, je te retrouve au balcon de cet immeuble qui me fait face et dont je connais la façade dans le moindre recoin. Pierre par pierre. La somme de volets en fer gris que je recompterai tant de fois. Passe temps de solitaire. Juste le fleuve qui nous sépare. Une partie de mon grand écran quotidien. Toi, tout fier de dévoiler à ta mère la distance parcourue qui augmentera au fil des sorties cyclistes. Entre le pont Gallieni et le pont Pasteur. Mon unique champ de vision durant 35 piges.

Puis vint le temps de l’école primaire. Direction le bout de l’avenue bordée de platanes. Toujours sur ta rive. Cartable imposant sur le dos. Doigts de prisonnier rivés aux barreaux du portail blanc de la cour de récré. A observer les péniches qui descendent vers le sud. Vers l’Eldorado de tes rêves de môme. Premiers symptômes de fuite. De cavale. Même rituel les automnes suivants. Hormis la besace qui rétrécit et un casque de walkman qui vient compléter la panoplie de collégien puis de lycéen. Que peux-tu écouter ? Juste t’isoler du brouhaha de la cité ? Celui qui rythme ma journée monotone ? Les années défilent et j’espère toujours que tu franchisses le fleuve. Pour découvrir tes traits. Si mon croquis mental est en adéquation avec la réalité. Ma patience sera récompensée. Pendant dix mois, je vais pouvoir te détailler à loisir. Car tu arpentes ce pont SNCF reliant nos deux rives. Le tout sous mes fenêtres. Gare Perrache. Ton paquetage sur le dos, tu t’engouffres chaque aurore dans cet express régional. Avant de faire le trajet en sens inverse le soir venu. Le ministère des Armées aurait-il été clément avec toi ? Durant cette période, ton regard flâne souvent sur les murs de mon humble et froid foyer. Je ne t’ai jamais fais signe de la main. Je te connais depuis des lustres mais tu me prendrais pour un fou. Avec raison.

Survient ce petit matin du 3 mai 2009. Une heure comprise entre chien et loup. Tu as déserté depuis longtemps la capitale des Gaules, ses quais fluviaux et ferroviaires. Je t’entraperçois certains dimanche. Panache blanc de fumée exhalé à la poursuite de deux petites princesses perchées sur rollers. Deuxième génération de sportifs de bas port. C’est ENFIN mon tour de traverser. La société m’a offert un aller simple pour une nouvelle résidence en périphérie lyonnaise. Une banlieue de l’ennui. Ta démocratie vire ses pauvres du centre ville. Exit ma presqu’île. Plus d’eau. Plus de sortie de tunnel de Fourvière synonyme de départ en vacances pour le commun des automobilistes. Plus d’adieux déchirants ou de charmantes retrouvailles sur mon quai de gare. Toutes sirènes hurlantes, je passe au pied de ton immeuble. Je lève les yeux. Les volets en fer gris aux charnières rouillées sont clos. Tes parents ne sont pas encore levés. Sous la bénédiction du feu rouge à l’angle de ta rue, je profite de l’occasion afin de tourner la tête rapidement et ainsi mémoriser mon ex-lucarne. Vu de ta rive. On redémarre. Alors seulement, je fixe le sol de mon fourgon cellulaire. Je ferme les paupières. Tout est irrémédiablement imprimé. Désormais, je suis sur ton balcon. Et c’est moi qui rêvasse face à ce que des journalistes avaient baptisé « la marmite du diable ». Et là, cette somptueuse fulgurance. Ce n’est pas moi qui ai pris perpète.

(Monsieur X, détenu de 1974 à 2009 à la prison St Paul de Lyon)

vendredi 26 juillet 2013

Un été, une lettre, une scribouille noire à (re)découvrir

A comme Anonyme : « Le livre sans nom »
B comme Benacquista (Tonino) : « La boîte noire et autres nouvelles » 
C comme Chase (James Hadley) : « Dans le cirage ! »
D comme Dard (Frédéric) : « Mes délirades » puis tous les opus de San-Antonio
E comme Ellroy (James) : « Un tueur sur la route »
F comme Fajardie (Frédéric H.) : « Nouvelles noires »
G comme Guez (Jérémie) : « Balancé dans les cordes »
H comme (Hammet Dashiell) : « Coups de feu dans la nuit »
I comme Izzo (Jean Claude) : « La trilogie : Total Kheops – Chourmo – Soléa »
J comme Jonasson (Jonas) : « Le vieux qui ne voulait pas fêter son anniversaire » 
K comme Kennedy (Douglas) : « L’homme qui voulait vivre sa vie »
L comme Lehane (Dennis) : « Shutter Island »
M comme Manchette (Jean Patrick) : « Le petit bleu de la côte ouest »
N comme Neville (Stuart) : « Les fantômes de Belfast »
O comme Oppel (Jean Hugues) : « French tabloïds »
P comme Pecherot (Patrick) : « L’homme à la carabine »
Q comme Qui ?
R comme Ravalec (Vincent) : « Un pur moment de rock ‘n’ roll »
S comme Simenon (Georges) : « Le bourgmestre de Furnes »
T comme  Trinian (John) : « Mélodie en sous sol»
U comme Un cri pirate (Tricao) : « Un long fleuve (pas si) tranquille »
V comme Vian (Boris) : « Et on tuera tous les affreux »
W comme Westlake (Donald) : « Le couperet »
X comme le prochain que tu me feras découvrir. Plaisir de partager, de s'évader.
Y comme Ytsejam, t’attends quoi ? Le feu au lac ?
Z comme Zykë (Cizia) : « Paranoïa »  

Cherchez l’intrUs.


Bonnes lectures.

jeudi 11 juillet 2013

L'affront national

Le sommeil du navigateur solitaire. Pas une légende. J’en suis la preuve. Toujours les sens en alerte afin de ne pas emplafonner un navire marchand ou s’échouer sur les récifs d’une côte inopinée suite à un pilotage automatique défaillant. Ces derniers mois, blotti dans ma tanière de vieux loup des mers, je coulais des jours paisibles au milieu des miens sans le parasitage des mauvaises nouvelles hexagonales voire mondiales. J’avais débranché l’ignominie humaine. Mis au rencard Pujadas le chevelu, Miss Brushing & Cie. Mais depuis quelques semaines, un mauvais présage. Les voyants de la case lucidité dans le rouge. Vif. Je me reconnecte, vais à la pêche aux infos, fréquente les espaces publics, les blogs amicaux, reçoit les potes. Stupeur. L’épouvante frappe à ma porte. Les pieds ancrés sur mon paillasson, le racisme est là, la bave aux lèvres. Je tente prestement de lui claquer la lourde au nez. Trop tard. Il a glissé sa Rangers dans l’ouverture. Il s’invite à ma table. Injecte son poison à certains de mes proches en villégiature. Sous mon propre toit, putain. L’affront national. Des gars comme les cinq doigts de la main. Toujours partants pour les quatre cent coups. Une jeunesse passée avec Clash et les Béru en intraveineuse. A pisser contre tout ce qui était encarté, gauche, droite et extrêmes. Les conversations me vrillent les tympans. Je manque m’étouffer à chaque prise de parole, chaque surenchérissement dans l’horreur. Les insinuations timorées se mutent en affirmations répugnantes. Groggy, dans les cordes, le regard vitreux, ton pirate. La délinquance, et tous les maux accablant notre pays auraient une seule et même source : l’étranger. Enfin l’étranger… Comprenons nous bien… Le banlieusard basané clair ou foncé. Oui, M’sieur. Et moi qui croyait qu’Alzheimer me cavalait au train et gagnait un peu plus de terrain chaque jour. Alors eux, c’est quoi ? Une greffe généralisée de cerveau d’autruche ? Une lobotomie lancée à grande échelle sur tout ce qui touche l’Histoire et ses atrocités.

Non je vais me réveiller ou alors, elles sont planquées où tes caméras, Marcel ? « Voter FN, juste pour foutre un peu plus le bordel tu vois, lourder les mecs en place qui s’en mettent plein les fouilles et nous prennent pour des cons depuis des lustres. Et puis on ne sait jamais, ça peut être la base d’une bonne révolution. Planter ton drapeau noir, tu s’rais aux anges, Tricao ! Mais avoue quand même, qu’accueillir toute la misère du monde, bla, bla, bla…» Mais bien sûr ! Je signe où pour prendre ma carte ? Me font un tarot sur l’adhésion si je viens en famille ? Bande d’inconscients ! A côté de ça, j’ai vu des milichiens dissolvant leurs groupuscules. Les rats retournent dans les égouts pour mieux proliférer dans ma rue. Filez moi un Zippo, des alloufs ! Vite ! J’vire pyromane ! Et vive, et vive, et vive le feu ! J’ai pigé les mecs. C’est la guerre. Je sais ce qu’il me reste à faire. Retrouver le pirate d’antan. Repos, lectures et sport pour perdre un peu de poids au programme cet été. Etre affûté comme un sabre.

- Tu fais un régime, ou c’est le ramadan ? finaude ce qui me sert de collègue,  mi-Hortefeux, mi-Valls. Minable surtout.
- Non, je me suis remis au sport avec mon pote Samir. Mais on cherche un club de tir pour cartonner du con raciste et fier de l’être, t’as une adresse ? Interloqué, les yeux lui sortaient de la tête comme si le parti du nabot sur le retour louait en place publique le mariage pour tous afin de demander la main du borgne et de sa fille en vue de 2017. Il a fini par baisser le regard. J’ai croisé le mien dans un reflet d’écran. Noir comme du charbon. Bientôt ardent. Je me sens coupable d’avoir une gueule à être dénoncé, chantait l’écorché franc comtois. J’ai le même sentiment, Hubert. Je crèverai seul s’il le faut, debout, mes armes à la main. Enfin au moignon. Parce qu’à ce rythme, les copains comme les cinq doigts de la main… Triste.

vendredi 14 juin 2013

Pour une poignée de mollards

Hé, hé… Avoue, ami lecteur… Tu le présumais calenché ton flibustier préféré ? Jack Sparrow becqueté par les requins du net ou noyé au fond de quelque tonneau de Jack Daniel's. T’es rassurée, gentille lectrice ? C’est qu’vous vous y étiez faits à mon p’tit post hebdo. Depuis près de neuf mois que dure la plaisanterie. A vous questionner à quand j’allais accoucher du dernier. Ben, c’est fait. Gloria in excelsis pirateo. Et in blogum pax scribae bonae voluntatis. Amen. Il est né le divin billet. Chantons tous mon… enfermement. Mais achtung. Ne vous enflammez pas trop vite, les moussaillons. Pour user de la métaphore cycliste, il est grand temps de changer de braquet. Avant de s’essouffler dans la côte d’usure. Dorénavant, le rythme des scribouilles va dépendre de plus en plus des vicissitudes et des humeurs primesautières de votre hôte sans causer des escapades au gré des aléas météorologiques. Et ne venez pas pleurnicher que vous n’étiez pas au courant. Dès la première bafouille, j’avais prévenu. Un mal pour un bien. Evitons la routine. Rien de plus agaçant pour mézigue que d’écrire sous la contrainte du sablier. Et pour vous, de parcourir du paragraphe sans saveur. Pas de clause abusive avec mon hébergeur. Intérimaire à la petite semaine. Aucune épée de Damoclès au dessus du foulard rouge. Un contrat moral vis-à-vis de toi, lecteur ? Et puis quoi encore ! Combien êtes-vous d’abord ? Deux ? Cent ? Mille ? Considérant qu’au dessus de ce seuil, ce blog serait malencontreusement épinglé à la une chez Hanouna, Morandini ou autre délabré de la pensarde, piètres chercheurs statisticiens du vide sidéral télévisuel et webbien (?), en perpétuelle quête de nouvelles silliconnasses botoxées, si fières de se faire buzzer sur leurs canapés en skaï à longueur d’émission. Audimat über alles. 

Ceci posé, j’étais parti pour vous pondre autre chose. Mais j’ai baissé la garde. Pas réussi à trouver le bon angle d’attaque. L’ouverture qui vous aurais mis knock-out. Mon uppercut s’est émoussé. Contrairement à celui de cet abruti de skinhead (pardon pour le pléonasme). Car c’est là que je voulais en venir. Cette douloureuse actualité qui fait grimper le thermomètre de ma misanthropie un peu plus chaque jour. Violence omniprésente. Alors une fois n’est pas coutume. Je vais me faire aider sur ce sujet qui me tient à cœur. Jean Claude Izzo. Tu connais ? Je te laisse le soin de parcourir Wikipédia pour la bio’. J’ai connu cet écrivain marseillais grâce à sa trilogie policière. Que je te recommande par ailleurs. Et puis j’ai tout englouti. Boulimique de ses mots colorés, ses marins égarés, ses parfums de Provence. Jusqu’à une petite nouvelle qui s’intitule « Chien de nuit » (1). Rien que du brut. Pas de morale énoncée. A toi de réfléchir. D'écrire la suite. Cette dernière est remontée comme une torpille à la surface des abîmes de ma mémoire polardeuse. Même si elle ne plaque pas forcément avec le fait sanglant qui nous préoccupe. Mais il me reste ce même goût amer. Mélange de colère et de peur. La bave aux lèvres des pitbulls contre ma propre salive. Car je crache sur la récup' politique ou groupusculaire de ces actes barbares. Je crache sur l’expression « fait divers » car ce maudit terme implique la banalisation, l’indifférence. Je crache sur les sempiternelles banderoles « Plus jamais ça » tant galvaudées. Je crache sur les mesures prises à l'emporte pièce. Comme si il était possible de dissoudre la Haine. Mourir ou tuer pour un idéal ? Crever ou trucider pour une couleur de peau blanche, noire, jaune, un regard de travers, une simple cigarette ? Ne jamais laisser faire. Continuer à se battre. Avec quelles armes ? Eduquer. Encore et toujours. Inlassable funambule sur la corde raide menant au respect de l’autre. Trouver et conserver ce putain d’équilibre. Démerde-toi avec ça !



(1) http://authologies.free.fr/izzo4.htm

mercredi 5 juin 2013

Une rétro du plus bel effet

Roland Garros. Porte d’Auteuil. Le Central. La terre battue maculant les chaussettes des arpenteurs de fond de court. Ou bien décalquée sur les omoplates des plongeurs sans filet. La petite balle jaune qui n’en finit pas de rebondir aux limites des carrés de service. Ou alors le long de couloirs à la limite du hors jeu. Le soleil plombant les bobs immaculés des hauts de tribunes jusqu’aux canotiers des box proches à sniffer les lignes blanches. Symphonie de torticolis potentiels à l’affût des fidèles abonnés : Dabadie, PPDA, Rochefort, Belmondo père & fils, Charles Gérard, Pierre Richard, etc. Ou alors les parapluies en accent circonflexe aux couleurs des programmes du jour. Puis les bâches tirées en hâte par de petits ramasseurs de balles au risque de finir engloutis par la vague verte. Même ton pour les murs tagués à la gloire d’une banque. Identique depuis des générations. On ne changerait pas cette année ? Bah Non Pourquoi ? Les congélateurs et chaises arbitrales dédiés à celle d’une boisson gazeuse. C’est fou, non ? Souvenirs maintenant lointains de la quinzaine durant laquelle je sprintais chez moi dès la fin des cours rejoindre d’autres courts. Je délaissais le Tango en cuir noir et blanc, le béton grisâtre du quartier pour l’écran télé et les feutrines jaune fluo sur fond ocre. D’autant plus pratique que la période correspondait à l’enfer vécu des premiers pollens allergisants. La Zyrtec Connection distingue très bien ce dont je cause.


Puis survint le 11 juin 1989. Dimanche maudit jusqu’à la fin des temps. Un prince suédois terrassé par un sale môme américain qui ne lâchera rien. Putain, merde. T’avais pas le droit, gamin. Mon Edberg. Le digne apôtre mondial du service volée. L’ange blond toujours tiré à quatre épingles battu par le diablotin marathonien et son jeu de jambes de dix sept printemps. La grâce du revers à une main, éteinte par la double prise du manche, à l’instar d’une hache prête à détruire mes rêves d’élégance. A en chialer d’impuissance. L’Histoire est un éternel recommencement, dis-tu ? Sensation de déjà vu. Cinq ans auparavant. Quand la froide rigueur d’Ivan le terrible s’impose au bouillant Big Mac malgré son velouté cordé inégalé et sa sauce arbitrale aigre douce. Les premiers coups de marteaux annonciateurs d’une future ribambelle de cogneurs. De bûcherons ahaneurs. Bruguera, Courier, Muster. Un enterrement de première classe pour les glorieux alpinistes nantis d’une bande de filet pour graal. Boris, Pete, Stefan, John et consorts, reposez en paix, je veille pour votre mémoire. Le tennis d’attaque se pratiquera désormais de la ligne de fond. Le travail de sape pendant cinquante échanges. Fiers d’être aussi bons essuie-glaces que distributeurs de balles robotisés. Des machines à renvoyer. A envoyer du lourd. Jamais déréglées. Des Terminator en puissance. Jimmy Connors ? Oui. Pan ! Pan ! Pan !


Alors il me reste Wimbledon. Ses fraises à la crème. Son gazon. Ses plongeons désespérés. Ses tenues immaculées. Le silence quasi religieux des travées même le mercredi. Pour ne pas réveiller en sursaut le box royal sans doute. Un peu de légèreté mais pour combien de temps encore. Enfin, vivement début juillet… Je n’ai plus le rhume des foins.

mercredi 22 mai 2013

Si d'aventure...


Je suis un tueur en série. Fonction dont je m’enorgueillis. Car je ne suis pas n’importe lequel. Sûrement l’un des plus redoutables encore en activité. Mes chasseurs vous le confirmeront. Depuis qu’ils m’ont identifié, mes statistiques sont édifiantes. Trente millions de victimes… Qui dit mieux ? Comme si d’un coup d’un seul, d’une croix rouge comme ce petit ruban que j’abhorre, on biffait le Pérou des planisphères scolaires. Quand je vous aurai dit que mon carnet de contrats stipule environ autant de cibles potentielles, votre sourire béat se transformera en rictus défaitiste. Ces dernières années, rien que dans votre cher Hexagone, plus de seize personnes par jour découvrent amèrement les premiers symptômes de la peur que je distille depuis déjà trois décennies. Sans parler des insouciants présumant ne pas avoir croisé ma route et qui pourtant ne sont que des pantins dans ma dextre vénéneuse. Cinquante mille au bas mot. L’équivalent du Grand Stade de Lille plein à craquer. Si ce n’est qu’ils sont lâchés dans la nature. Pour mon plus grand plaisir. L’image du stade n’est pas anodine. Je me souviens de l’intervention sur un plateau télé de ce borgne à la langue bien pendue et au front national qui souhaitait que mes proies soient mises en cage. Contaminé lui aussi mais par une bonne copine. Notre divinité à tous, nous les virus. Car éternelle : la Connerie.

Toutefois, je cours toujours. La traque continue. J’échappe encore à mes poursuivants. Certes, ils gagnent du terrain depuis le début des années 80. Mes souffre-douleur profitent de ma présence plus longtemps grâce à eux. Je sais. J’ai redoublé à l’école du cynisme. Mais je n’ai pas toutes les tares. Sous vos latitudes de racisme, d’homophobie, et de non parité sociologique, nul ne peut me reprocher ces maux qui hantent vos sociétés. Je frappe chez tout le monde, sans distinction. Contrairement aux idées répandues de-ci de-là. Même dans les familles bourgeoises qui, avant d’être confrontées à ma personne, pensaient que je réservais mon venin à l’encontre des bas fonds de l’humanité, des drogués ou des homosexuels voire des deux. Raté. Même si ils préfèrent encore étouffer mon patronyme et le troquer par des maladies plus émotionnellement et politiquement correctes auprès de leurs amis et relations. La leucémie au secours des salonnards pleurnicheurs. Quant au bon peuple élevé à la téléréalité et aux horoscopes de la presse people, je ne remercierai jamais assez la plus connue des astrologues de comptoir qui annonce périodiquement depuis deux décennies que je serai éradiqué dans l’année qui suit. Ma publicité gratuite. Sais-tu que tes plus vils pourfendeurs souhaiteraient que je me penche sur ton sort, Germaine ?

Mais fi de tout cela.  Il est temps de fuir. J’aperçois le pirate au loin. Qui déambule solitaire, les poings serrés dans ses poches et le col de son cuir relevé pour éviter le crachin digne de postillons d’une colère céleste. Ma trentième bougie semble le morfondre dans de sombres pensées. Peut-être est-il en train de fredonner un air de Miles Davis me souhaitant implicitement l’ascenseur pour l’échafaud. De me faire un sourire kabyle à l’aide d’une lame de couteau tranchante comme le verbe et le profil d’un Mano Solo. Probablement perçoit-il la voix de son oncle disparu par ma faute vingt ans plus tôt ou simplement le sang coulant dans ses veines, tout aussi noir et insidieux que la pluie dans les rues de Philadelphie chantées par Springsteen. Basta. Je vous dis au revoir. Si d’aventure…

mercredi 15 mai 2013

Troisième génération

Mon blase, c’est Lakhdar. Je suis le dernier fils de Slimane et Leila. Troisième génération à crécher à La Courneuve. Dix sept piges au compteur. Encore mineur. Un BEP Logistique in my pocket. Ca ne change rien sur mon CV. Option Caillera comme ils dégoisent. Wesh-wesh en galère. Et pourquoi pas chef de gang, bande de narvalos ? A se taper des barres de rire. Après tout, je ne suis pas un looser, je ne me suis jamais fait alpaguer. Même si je collectionne les gardav’ comme mon dabe les tatouages. Que je n’ai pas intérêt à mettre les pinceaux en zonzon, qu’il me bave souvent. L’a raison le daron, encore que… Entre la cage d’escalier et la cage tout court…

Je me suis inscrit sur Meetic pour me trouver une gadji sympa. Une michto pas trop relou. Pour assurer les fins de mois où je croque trop. Une couverture, pas que sociale. Ma carte Vitale multi fonctions à moi. Parce que pour le taf, c’est dead. Faut pas me la faire à l’envers. Le chômedu et ses indem’, je les laisse aux crevards, aux esclaves. Aux bolos du système. Moi, c’est la galette des Rois que je kiffe, pas celle du Tiers Etat. Intérim et système D dans mon territoire occupé, j’m’en branle.

Bon, je deale bien un chouïa. Surtout conso perso. N’allez pas me poucave, les baltringues. La bicrave, la teillebou, rien de bien chantmé. Cocktail vodka Redbull et splif pour partir en live. Un renard de temps à autre mais pour le tarot, c’est ce que l’on fait de mieux. Certains jours, on monte sur Paname. Entre lascars. Emprunt de vago ou RER à l’arrache. Taper l’incruste sur les Champs. En cas de dawa, une vitrine ou deux. La sape toujours, depuis tout môme. Les soldes à prix casseurs. Puis aller aux putes juste pour reluquer. Pour se palucher le soir dans nos pieux.

Sinon, il y a bien un autre kiff. Le rap. Matos tombé du camtar. Les répètes dans la cave du yougo, le veuf du sixième. Celui qui se dit musulman le jour et sans religion fixe quand il descend ses cadavres de rakia à la nuit tombée. Quant à l’autre babtou de la MJC qui voulait nous produire… Le mytho souhaitait que l’on vire RnB. Fringues fashion, label banlieue. Les carlouches du band l’ont fumé d’une force. Ne jamais nous prendre pour des caves.

Des fois je me dis qu'à trois milles bornes de ma cité, y’ a un pays que je ne connaîtrai sûrement jamais. Que peut-être c'est mieux, peut-être c'est tant pis. Que là-bas aussi je serais étranger, que là-bas non plus je ne serais personne. Alors pour me sentir appartenir à un peuple, à une patrie, je porte de temps à autre le maillot de l’Algérie. Ca fait ièch le faf devant sa télé. Je me suis inventé des frangins, des amis qui crèvent aussi. D’ te façon, j'ai rien à gagner, rien à perdre, même pas la vie. J'aime que la mort dans cette vie d' merde. J'aime c' qu'est cassé, j’aime c' qu’est détruit. J'aime surtout tout ce qu'y vous fait peur, la douleur et la nuit.

(Adaptation libre de « Deuxième Génération » de Renaud Séchan)

mardi 7 mai 2013

L'anar...chic.


Même si il confesse regarder rarement en arrière, j’en connais un qui doit bien se marrer du côté de Monticello. Soixante dix carats, le playboy dézingueur. Autant de bougies que pour des noces de platine. Sauf que lui, c’est les disques issus du même métal qu’il envisageait. Surtout le chèque qui allait avec en fait. Parce que le flonflon des décorations, non merci. Pas le genre de la maison. Et le digne rejeton du gentleman crooner a pris le relais. Une famille d’orfèvres joailliers de père en fils. Un héritage composé de charmantes et désopilantes mélodies pour six cordes. Les chiens ne font pas des chats ? Tant mieux. Un demi-siècle de carrière et toujours la même popularité, le parigot en exil sur l’île de beauté. Quand la gouaille rencontre l’omerta. Tout un programme. Bien sûr qu’il a ses détracteurs. Nonchalant, il continue son bonhomme de chemin. Alors qu’un célèbre de ses conscrits se prostitue décennie après décennie pour paraître toujours en vogue (je ne citerai pas de nom en son absence puisqu’il arrive que l’idole déjeune), lui ne change pas. Cuir noir, lunettes fumées et cigare pour éternelle panoplie. Nul besoin d’évoquer son nom, tu l’as depuis belle lurette retapissé, perspicace lecteur. Il revient de temps à autre nous saluer. Jamais eu de plan de carrière. Un film par ci, une tournée par là et bientôt trois générations qui s’entrecroisent dans les files d’attente des salles obscures. Peu bavard, les interviews accordées se font rares. Le personnage se planque derrière un sourire narquois et des répliques caustiques. La litote verbale élevée au rang d’art. Il a tout pigé. Ronronnant au milieu de ses chats, laissant hurler les loups. Un coup de griffe sur un titre, un bon mot au détour d’une conversation puis s’en retourne se dorer la pilule sous le soleil corse. Une allure de dandy désinvolte et paresseux (dandylettante ?) qui finit au fil du temps par laisser filtrer un caractère bosseur et malgré tout attentif sur ce qui l’entoure. Les trop nombreux distributeurs d’étiquettes le cataloguent anar de droite, de sa période cynique anti yéyé à son apogée d’opportuniste césarisé de la pellicule. Bof. A l’instar de Desproges qui se définissait comme un humoriste « non pas engagé mais dégagé », l’adepte aux mille calembours fredonnés pourrait être considéré comme son alter ego musical. Mais laissons tomber les comparaisons foireuses. Quand beaucoup ne cherchent à exister qu’au travers du regard des autres, il est lui et c’est déjà pas mal. Un côté sauvage comme les félins qui l’entourent, un peu chien de par la fidélité de ses amitiés.
Quand un journaleux lui demande quand il compte stopper sa carrière, il répond : « Le jour où je chanterai que mon dentier est un cactus ». CQFD. Une ultime pirouette qu’un contorsionniste  n’aurait pas renié. Alors voilà, sur l’air de Merde in France, le pirate (à tête de maure) te souhaite un bon anniversaire (moi à boire). A tes amours (moi l’nœud, enfin ce qu’il en reste).

samedi 27 avril 2013

Saint Mal Au Crâne

En cavale, le pirate. Evadé. Si tu suis mes aventures lecteur, j’ai faussé compagnie à mes geôliers. Fugitif qui s’en retourne sur les terres de ses aïeuls. D’Avranches à St Malo. J’écris cette nouvelle scribouille du haut des remparts de la cité corsaire. Une chope de houblon à portée de main. Je me suis fondu dans le décor. Pas de crachin vivifiant mais un soleil de plomb campe sur les statues de Surcouf et ses acolytes. Les effluves marins me parviennent. Je me tiens quelques temps éloigné du tumulte de nos villes aux sombres parfums de pots catalytiques. Mais revenons à nos moutons (des prés salés, bien évidemment). Je t’avais promis dans un précédent billet de revenir sur ce fameux concept de liberté d’expression. Je m’aperçois en propulsant quelques idées sur le papier le risque d’être rébarbatif. Tu me connais maintenant. Ne jamais faire trop long. Par peur de lasser. Tout est dans la concision du propos. Ecrire au scalpel. Chirurgie de l’écriture. La petite musique chère à Céline, toutes proportions gardées bien sûr. Donc je te jette en pâture ces simples pensées qui m’animent. Comme des ingrédients à modeler, à façonner à ton gré. A toi de jouer. C’est cela aussi l’espace flibustier. Pas du prémâché pour endormi de la cafetière. Fais fonctionner tes neurones, moussaillon !  Mal au crâne non garanti !

Prôner la liberté d’expression toute puissante tout en refusant le débat contradictoire à mon interlocuteur à coups d’interdictions, de lois ou de décrets. Paradoxal, non ?

Choisir un camp, c’est opter pour une communauté de pensée qui s’oppose à une autre. Je suis anti communautariste et je ne souhaite pas imposer ma pensée à tous. Suis-je dans la merde ?

J’entends souvent dire : « Je suis pour la liberté d’expression MAIS… ». Dans pareil cas, la conjonction de coordination n’est-elle pas à bannir ? Car ne sert-elle pas de bouclier à la raison d’Etat, au sacré religieux et au pseudo respect demandé par toute communauté comme périmètre de sécurité contre la rébellion, le blasphème ou la simple ironie salvatrice ?

La liberté d’expression n’est pas un but mais un moyen par lequel chacun doit pouvoir défendre son point de vue.

Il est si facile de penser comme la majorité et de se planquer derrière cela. La liberté d’expression doit titiller, faire réfléchir et réagir. Non pas par la violence mais par le débat, l’échange. Elle est la vigie des abus possibles de toute règle érigée en dogme.

La liberté d’expression ne consiste pas à dire n’importe quoi. Sinon, on verse dans la diffamation, la rumeur. Notions meurtrières.

Humour noir et liberté d’expression. Compréhension du premier et second degré. Tous sur le même pied d’égalité ou peine perdue ?

 « On peut rire de tout mais pas avec n’importe qui ». Formule de Pierre Desproges issue maladroitement d’un fameux réquisitoire et élevée au rang d’hymne par certains partisans de la sacro sainte liberté d’expression. Au secours ! Car malheureusement, je suis, tu es, il ou elle est le « n’importe qui » concerné et dans ce cas, nous rigolons quand ?

La liberté d’expression, c’est aussi parfois savoir se taire.
  
Vous avez quatre heures.

jeudi 18 avril 2013

Le pirate piraté


L’arroseur arrosé. Expression peut-être surannée pour toi jeune lectrice. Mais celle du pirate piraté ? Davantage d’actualité, n’est-ce pas ? Parce que cette semaine, en quarantaine que nous l’avons mis ton Jack Sparrow « éructeur » du net ! A fond de cale ! Au pain sec et à l’eau ! Traitement de choc pour c’te fine gueule accoutumée à carburer aux meilleurs rhums sous perfusion. Finito les mojito ! Carte blanche sur fonds noir pour la rébellion ! Mutinerie générale chez les moussaillons de la maison Google & Co ! Motif invoqué : le flibustier de bazar est constamment en vadrouille. Trop. A la moindre escale, le v’là qu’y décarre ventre à terre - et ce n’est pas une image – de son poste de vigie pour aller s’encanailler dans quelques lieux de perdition prétendus culturels. Avec la fulgurance d’un go fast franco-suisse drivé par Rédoine Faïd avec Cahuzac sur le porte bagage, le fourbe Tricao enquille les concerts de rock, les cinémas de quartier mal famés et les lectures polardeuses. Si bien que t'as dû remarquer, son écriture s’en ressent. Comme dirait le dernier rejeton de la famille Courjault : « J’suis en froid avec ma vieille mais faudrait voir à pas me prendre pour un filet mignon congelé ! » Franchement, t’as lu sa dernière salve, lectrice ? Effarant ! A défendre l’indéfendable. Il ose tout. Te parler de liberté d’expression alors qu’il t’interdit de l’ouvrir sur son espace ! Je rêve ! Mais nous v’là à la barre ! Ah il va manger bon, pépère ! Il veut valser de plaisir ? Tanguer au rythme des mots ? On va te le soigner le marathonien des salles obscures ! Le mono muscle (son index) du tournage de pages sur canapé !

Non parce que tiens toi bien l’abonnée, je vais te faire part de son dernier delirium (pas très mince du tout) au vilain corsaire. Y’a quinze jours, escale à Lyon. Nous avions quitté les océans, tombé les voilures pour venir caboter entre Rhône et Saône. « Les gars, ce soir, cap sur la Halle Tony Garnier, haut lieu de pèlerinage de ma tendre enfance et cavalons savourer la prestation du fringant Damien Saez en live. Qui m'aime me suive sinon quartier libre pour tous !». Primo, il y est allé tout seul. Secundo, nous subissons déjà assez ses goûts de chiotte en matière musicale. Sept mois que l’on se cogne l’album « Messina » en boucle. Triple album en plus ! « Rien à jeter, tout à réécouter » qu’il nous sort le forban des fosses communes de concert ! Voilà t’y pas qu’il nous remet cent balles cette semaine. Nouveau set du Brel du pauvre version rock mais en terre grenobloise cette fois. Et ton boucanier scribouilleur de s’y rendre derechef. A vanter la prose subversive et ciselée de l’écorché vif, digne ersatz d’un Bertrand Cantat. A se demander s’il n’a pas la carlingue qui se fissure, le cap’taine Etglou-Etglou ! Supputant que le proverbe à la con « jamais deux sans trois » allait pointer son blair, on a pris les devants. Aux fers qu’on l’a mis, l’Alzheimer des guitares saturées et autres ballades rock and drôles ! Ah il rage le pirate ! Tu l’entendrais vociférer ! Les chants de sirène à côté, tu dirais Carla Bruni & Zazie reprenant du Motörhead ! Mais on ne peut décemment pas le bâillonner. Pas l'envie qui nous manque pourtant ! Mais il serait capable de nous mordre ce rottweiler enragé ! De sacrés chicots qu'il a encore ! Ah ce n’est pas le râtelier de Shane Mc Gowan (le chanteur des Pogues, lectrice ignare !) qu'il arbore l'Tricao ! Pas une carie, l'cochon ! Y t'chope aux mollets, t'es juste bon à supplier un tarot au fournisseur de prothèses de Pistorius ! 

Alors, lectrice, t'as pigé le message ? Une modique rançon versée sous 48 plombes et on te le rend, ton épave. Ton naufragé de la vie. Sinon semaine prochaine, t’es bonne pour souscrire aux pitoyables chroniques de Morandini & Con (sorts). Allez ne sois pas trop vache avec le pirate, il a quand même bon fond.... de cale. 


jeudi 11 avril 2013

Troublé par l'ordre public

Trentième scribouille. Happy birthday, le flibustier braillard. Vous savez déjà que le nombre exact de galériens assidus, de surfeurs de passage, je n’en ai cure. Mais avec le sujet abordé ce jour, bon nombre d’entre vous risquent de quitter le navire. Tant pis. Trouvez un autre lieu pour vous dégripper les zygomatiques ! Tiens, par exemple, chez « Yts a blog », un petit suisse 100% matière grise aux vrais morceaux d’humour et de mélancolie à l’intérieur. Juste retour des choses car je lui dois mes premiers abonnés à l’aficionado sanantonionesque. Qu’il en soit ici remercié.

A l’instar d’un Capdevielle croisant Jésus au détour d’un erg, peut-être qu’une fois ce billet jeté en pâture aux hyènes moralistes de tout bord, je livrerai enfin l’adresse de mon blog à mes proches afin de ne pas deviser tout seul dans le désert. Dans l’espoir d’une once de commisération familiale. Car je vais envoyer du lourd. Parler d'infréquentable. Au risque que mon hébergeur croule sous les procès et le voir en retour, d’un index vengeur, couler mon bateau en appuyant sur la touche « Suppr ». Quoique. J’ai lu quelque part que le simple fait d’évoquer le patronyme de cet hôte prétendu peu recommandable, affolerait les moteurs de recherche si bien que certains le nommeraient dans des articles n’ayant aucun lien avec l’intéressé dans le seul but d’augmenter leurs statistiques. La course au nombre de vues, au buzz. Encore et toujours.

Donc gloire à toi, Adolf H…. Non, je déconne, hein. Mieux vaut préciser par les temps qui courent. Je vois déjà la kyrielle grabataire pro stalinienne, ivre de jalousie et rouge (forcément) de colère se jeter sur son clavier afin de me dénoncer à Mediapart ou autre palmipède entravé. Et de me questionner sur mon pedigree et ma déclaration de patrimoine à la lampe à souder. J’ose espérer qu’ils ne seront pas pressés. La reproduction rendue publique des plans cadastraux de mes nombreuses propriétés, celle de l’annuaire du gotha des joailliers visités par mes bons offices et l'inventaire de mes trois comptes bancaires helvètes (appelés catalogue des 3 suisses par mon gouailleur de comptable), prendront du temps. Passons. Non, je souhaitais tout bonnement apporter mon soutien à la liberté d’expression scénique de l’humoriste Dieudonné. Et pan ! Feu à volonté ! Droit au cœur, Messieurs !
(Temps mort : je laisse ici volontairement un espace afin que les nauséeux puissent régurgiter sans souiller ma future prose, fermer leur tablette, pc, portable mais surtout leur claque-merde.)

Car l’impossibilité pour un artiste de se produire dans certaines salles de spectacle municipales n’est-elle pas proprement anormale ? Alors que d’autres exhibent sur nos écrans publics, avec un sérieux à faire froid dans le dos, leur idées nauséabondes sous couvert de morale politique, de copinage journalistique sans qu’aucun bannissement médiatique ne s’opère. Ne serait-il pas plus judicieux d’inviter sur les plateaux télévisés celui que je considère comme l’un de nos meilleurs humoristes depuis Desproges afin de débattre en sa présence de ce que lui est reproché ? Car hormis Taddeï après 23 heures un soir de semaine et de pleine lune, peu s’y collent. Dommage. Je vous invite à regarder ses anciens spectacles solo afin de forger votre propre opinion (je resterai coi quant aux deux derniers ne les ayant pas vus). Tous les communautarismes, religieux ou non, beaufs ou intellos, en prennent pour leur grade. Même si ces derniers temps, je lui reprocherais le côté exécrable de c’est-çui-qui-dit-qu’y-est. De plus, la différence est mince entre 2000 spectateurs conviés à esquisser d’un seul homme ce geste de « glissage de quenelle » et celui du bras (ou poing) tendu, oreilles décollées et fierté nationale de certains meetings qu’il vilipendait naguère. Enfin, arrêter de confronter traite négrière et shoah. Pas de hiérarchie dans la souffrance humaine. Des charognards tentent de le récupérer, de le rallier à leur cause. Reste libre de toute chapelle, mon gars. Quant à la liberté d’expression, lecteur, j’y reviendrai. Si l’on ne m’a pas pendu d’ici là à une vergue de mon fameux trois-mâts fin comme un oiseau. Hissez haut !

mercredi 3 avril 2013

Le gouffre de Cahuzac


« Règle de base. N’avoue jamais. Même devant l’évidence. Première loi de l’école de la rue. Idem chez les flics. Puis dans le bureau du juge. Enfin, dernière escale parfois, applicable aussi en zonzon. » Dixit un vieux pote marginal dans l’âme. Perdu de vue. Mais pas de mémoire ni de cœur. Son principe toujours en vigueur dans toutes les strates de la société. Jusqu’au plus haut de l’échelle. Chef d’Etat compris. Si tu reconnais quoi que ce soit, tu es mort. Ne serait-ce qu’une infime partie. Toujours droit dans tes bottes. En toutes circonstances. Le b.a.-ba du voyou ou du politicard ambitieux (pléonasme ?). Ne rien laisser traîner. Tu effaces, au propre comme au figuré. Tous les moyens sont bons. Tous les coups sont permis. Cap pas trop compliqué à maintenir jusqu’au jour où… Alors voilà, on en est là. Pas une question de parti, de clivage. Droite, gauche, centre ou extrêmes. Même combat. Mais toi, le cocu tricolore, tu es content. Les lynchages collectifs te font bicher (argot de vioques) ou kiffer (djeun’s touch). Ca ne t’ôtera pas le goût d’aller arborer ta brème d’électeur à la prochaine. Et l’homme descendrait du singe ? Cent fois plus du mouton, je te dis ! C’était bien la peine d’aller faire chier les Dolly écossaises. Soixante cinq millions de clones au garde-à-vous. Parce que tout sauf le désordre. Nécessité absolue d’être sous l’emprise d’un patron, d’un chef, d’un guide. Peu importe qu’il soit menteur, voleur, tricheur, etc. mais une référence pensante. De posséder un bon bouc émissaire aussi. Pratique en plus. Pour ce qui te sert de conscience. « Ce n’est pas ma faute à moi, c’est lui le coupable. Ben oui, j’ai voté pour lui, je lui ai donné les pleins pouvoirs. J’pensais pas faire mal, Sire. Vous avez vu ce qu’il en a fait ? Une honte. » BANDE DE TOCARDS.


Bien beau mon discours anti tout, enfin surtout anti toi, mais concrètement, on fait quoi ? Toi, je sais. Toujours à te planquer. En attendant la fin de l’orage. Le courage personnifié. A ricaner dans l’isoloir. Pensant foutre la pagaille avec ton pseudo vote contestataire justifiant l’inqualifiable. Ou alors l’autre versant. « Un qui gicle ? Une bonne place à prendre.  Et pourquoi je ne goûterais pas au gâteau ? ». Soif de pouvoir, d’en être, par ici la monnaie, le buste en avant, la tête haute, les mains propres. Admirablement con comme un slogan des années 80. Je sais. Des comme toi, il s’en pointe des centaines. A chaque élection. A te faire miroiter des promesses intenables. Des palanquées d’Iznogoud en herbe. De poste municipal en siège suprême. Pas prêt d’en voir la fin. Hélas. Je ne crois pas que mon avenir soit entre les mains d’un autre. Je t’invite à en faire autant. Attention, pas la révolution du grand soir. Celle qui rêve de mettre des nouveaux cons en remplacement des cons en place. Non. Juste des petits gestes du quotidien. D’élémentaires actions de proximité en opposition aux lois imposées à tous et en toutes circonstances. Besoin de légiférer, mon cul. Le système D en bandoulière. Aider sans attendre de contrepartie. De médaille. Dépendre du moins de gens possible. Reprendre ton autonomie. Sectionner les fils du pantin que tu es devenu. Ne plus suivre personne. Et encore moins les livres. Saints ou pas. Idéologies de groupe qui te dictent ce qui est censé être bon pour toi. Foutaises. Indépendance totale de pensée, de parole, d’actes. Refuser de serrer la main de celui qui t’assassine une fois le dos tourné. Changer tes habitudes d’esclave ou de profiteur, ta morale en carton, t’ouvrir sur l’inconnu, repousser ta peur de l’autre, du différent. Rejeter le « diviser pour mieux régner ». Facile à dire ? Je n’ai jamais écrit que ça allait être simple. Commencer par dire NON. Et l’effort de proposer autre chose derrière. Maintenant, fais comme tu veux. J’ai déjà largué les amarres. L’action individuelle face aux chants des sirènes politiques. Tu es libre. Et le temps presse. Nous sommes au bord du trou, de l’asphyxie. Ceux qui nous gouvernent ont déjà fait un grand pas en avant. Envie de rejoindre le gouffre de Padirac Cahuzac ? 




mardi 26 mars 2013

Requiem pour un bouvreuil


Veilleur solitaire, je vis en cage. Avec cet homme à peine perceptible pour vos yeux au début de notre histoire, mais finalement repéré au panache de fumée exhalé de sa Gitane. Allongé sur son lit, dans une morne et grisâtre mansarde. Cette pièce est ascétique, presque carcérale, et dont je suis le seul signe d’humanité (un peu comme les chats d’un autre lieu et d’un autre homme, le commissaire Matteï).  Mon patron est une personne quasiment invisible, comme son « métier » exige qu’il le soit. Avec calme et rigueur, il enfile son trench-coat et se coiffe méticuleusement de son feutre, le lissage des bords dudit chapeau comme une signature indélébile. Tandis que son regard bleu acier affronte l’image élégante et glaciale que le miroir renvoie. L’ambiance requise par M (comme Maestro), est celle d’un hiératisme silencieux et captivant. Un OVNI du polar si l’on se réfère aux autres films de la même époque, agités et tonitruants. Durant quinze minutes, l’homme va et vient, sans jamais s’exprimer, presque comme une ombre. Du presque jamais vu et encore moins entendu. Ce particularisme qui sera la griffe de M (comme Majestueux). Jusqu’à l’apothéose des vingt sept minutes aphones du casse de la place Vendôme dans cet autre fameux « Cercle Rouge ». Les dialogues sont rares mais ils ont la précision chirurgicale des actes de mon tueur de patron, et un rythme d’une justesse implacable : «  Je ne parle jamais à un homme qui tient une arme dans la main. C’est une règle ? Une habitude. » Rien à rajouter.

Les deux fenêtres au dessus de ma geôle spartiate me laissent entrevoir les rues avoisinantes, grises et désertes. Loin de la lumière réparatrice du jour. Débouchant de sombres couloirs de gares désaffectées, j’imagine des passerelles métalliques, ensoleillées comme des no man’s land où retentiraient les coups de feu d’une rupture de contrat inopinée. Je troquerais volontiers l’atmosphère glauque crachée par l’enseigne lumineuse intermittente de l’hôtel miteux d’en face contre le corridor blanc immaculé menant aux appartements de cet ange noir, la jolie pianiste croisée par mon maître qui le mènera à sa perte. L’éclat artificiel et aveuglant des néons des couloirs du métro parisien avec l’ambiance feutrée des salles de boîtes de jazz scintillantes. Comme dans « L’armée des ombres », le climat baigne dans des éclairages alternant clair et obscur. Si bien que l’on hésite toujours un laps de temps conséquent avant de répondre si ces films sont issus de l’époque couleur ou noir et blanc. Mon long métrage est auréolé d’une lumière gris-bleu tamisée, froide comme un changement de plaques minéralogiques dans un lugubre garage de banlieue à cette heure bien précise, vous savez, celle que l’on baptise entre-chien-et-loup. Juste avant les ténèbres des rues éteintes. Cette obscurité propice aux ombres clandestines tueuses de patron de club, la même noirceur favorable aux adultères éthérés qui se convertissent en alibi béton.

L’homme se sert de mes pépiements affolés comme d’une alarme face au danger représenté par d’éventuels visiteurs. Un pacte muet nous scelle. Je m’enorgueillis du titre de seul être vivant qui parvient à rendre attachant ce personnage de tueur à gages mystérieux, silencieux, d’une élégance sobre. On raconte qu’une nuit, M (comme Magnifique) a eu la vision de cet homme allongé sur son lit avec votre serviteur à ses côtés. Chacun dans une cage à sa mesure. Et qu’en a découlé le chef d’œuvre dans lequel je figure pour l’éternité. Sachez enfin, que le tournage se déroula dans les studios Jenner si chers à M (pour Melville), en 1967, des studios ravagés par un incendie et dans lequel je fus la seule victime. Les décors durent être reconstruits en toute hâte pour finir le film. Avec un sang froid que n'aurait pas renié Jeff Costello. La main qui m’a nourri. Lui aussi succombera à la fin. Allant au bout de sa mission. Le chasseur devenu proie. Une forme de suicide gagnant. Car il vous avait prévenu. « Je ne perds jamais. Jamais vraiment ». 

mardi 19 mars 2013

Tonino Benacquista, le noir lui va si bien.


Aujourd’hui charmante lectrice, aimable lecteur, merci de poser tes rames quelques instants, car je vois bien que tu t’échines en vain à sortir de l’enlisement irrémédiable des sables mouvants de ton existence morose et monotone. Embarque plutôt sur ma galère, dans mon arche il y a de la place pour tous les marmots. Hommage discret à un porté disparu dans un océan jaune anisé bondé d’icebergs miniatures mais dont la plume vengeresse me manque cruellement. Mais revenons à nos petites vagues crêtées d’écume baptisées également moutons d’après le Petit Larousse, à moins que ce soit son cousin le gros Robert. Donc, tu es mon hôte. Mais pas sur le pont du galion chargé de foutus courants d’air juste bons à te choper un rhume de cerveau, encore que… non rien. Installe-toi confortablement, bien calé au chaud dans ma spacieuse cabine, le pirate offre le voyage.

Exceptées ces brillantes chroniques affichées semaine après semaine sur ton écran plus très plat car gonflé de saisissement devant tant de panache scribouillard, nous ne nous connaissons pas mais tu apprendras que je ne me déplace que rarement sans un polar dans la poche ou le vide poche selon que j’ère en moto, voiture, train ou canoë biplace (tais-toi et pagaye, je lis!). Le moindre temps mort, hop, je dégaine prestement mon roman policier faisant passer Josh Randall ou Lucky Luke pour de vieilles gâchettes arthritiques. C’est plus fort que moi. Je suis atteint du « syndrome de la bouquinite ». Cancer de moins en moins répandu à la grande joie des chirurgiens de l’audiovisuel pour lobotomisés que sont Direct 8 ou NRJ 12, mais maladie incurable dont le symptôme dominant est de vouloir grappiller à tout prix quelques minutes voire quelques heures sur mon temps de sommeil ou de reproduction quotidien. Bref.


Je souhaitais donc te causer d’un auteur que j’apprécie depuis deux décennies, toujours tapi dans l’ombre et dont il me paraît opportun de mettre le talent en lumière. Bien sûr que ce n’est pas cette petite page perdue sur le net qui va lui faire une publicité monstre mais je compte sur tes talents de tapeur de texto nippon (version réactualisée de notre ancien téléphone arabe). Sans compter que citer un tel écrivain pourrait te valoir quelque reconnaissance auprès de la gent féminine ou masculine dans quelques mois. Du bouche à oreille au bouche à bouche, il n’y a jamais qu’une joue à survoler, tu sais. En conséquence, lis le et parles en autour de toi. J’ai toujours un faible pour ces prétendus seconds couteaux du cinéma que sont les scénaristes. Ces hommes de l’ombre, forçats de la littérature noire. Sans eux, pas de synopsis en béton, ni de mise en valeur des premiers rôles. Le plumitif en question se nomme Tonino Benacquista. Ce patronyme ne te dit rien ? Pourtant, tu as déjà vu défiler des adaptations de ses œuvres. « La boîte noire », « Les morsures de l’aube » sont des thrillers issus de son imagination fertile. Car le diable sévit dans différents domaines. Bande dessinée, théâtre, nouvelles, romans, cinéma. Proche de Jacques Audiard (qui est la preuve vivante que le talent peut être héréditaire contrairement à la descendance Signoret), Benacquista a également co-écrit avec ce dernier les scénarii de « Sur mes lèvres » et « De battre mon cœur s’est arrêté ». Au passage, œuvres césarisées, même si ce n’est pas toujours un gage de valeur.

Mais dernier trimestre 2013, l’injustice flagrante devrait s’estomper et la gloire frapper à sa porte avec l’adaptation éponyme d’un de ses meilleurs romans, « Malavita ». Tourné par Luc Besson. Ca ne te suffit pas, lecteur ? Alors devraient figurer au générique : Robert de Niro, Tommy Lee Jones et Michelle Pfeiffer. Alors, on la ramène moins, lectrice ! En attendant, procure-toi « Quelqu’un d’autre » pour faire plus ample connaissance avec Tonino Benacquista. Tu m’en diras des nouvelles. Avant de poursuivre avec les siennes, truculentes et finement ciselées. Bonne lecture !

mardi 12 mars 2013

Je suis un étranger

Je suis un étranger. Partout où je passe. Apatride volontaire. Mais je n’oublie pas mes racines. Ce socle précieux qui t'aide à grandir. A un moment donné, il faut savoir s’en détacher. La main calleuse du patriarche qui t’accompagnait lors de tes premiers pas vient se poser sur ton épaule d’homme du clan. Comme un passage de témoin. Larguez les amarres.

Je suis un étranger. Partout où je passe. Je suis un indigène de l’enfer de vos villes. Plutôt de vos bidonvilles. Un matin aux aurores, j’ai quitté ce triste miroir aux funestes alouettes sans me retourner. Pour une maison mobile. Une caravane sur l’eau. Pas de chant de sirène mais un simple rafiot toujours pointé vers l’horizon. Joli vocable que l’horizon. Cette idée d’infini à portée de voile. Prendre la mer. Je sais déjà que c’est elle qui finira un jour par me prendre. Qu’elle soit d’huile ou déchaînée, mon embarcation trace en ses flancs ce sillon d’écume. Vers l’inconnu. Vers l’aventure. Vers chez moi.


Je suis un étranger. Partout où je passe. Même si je viens à ta rencontre. Tu me vois souvent comme un naufragé de nulle part, un échoué en transit. « Parce que vous pouvez pas rester là, M’sieur ! ». Un vaurien parasite de ton système. Mais le mien est tout autre. Je n’ai qu’une parole. A l’instar de ce que tes pairs appelaient les voyous d’antan. Je garde cela précieusement. Héritage des miens. Le sens noble de la parole donnée s’est noyé dans tes prétendues ères de communication. Je suis fier de ma route. Chemin parfois de traverse, j’en conviens. Mais je ne réclame pas ta pitié. Ni ne souhaite te faire peur. Et tu ne m’impressionnes pas. Avec tes grands airs de propriétaire terrien. Je viens pour le partage. Pas de biens, tu te doutes. Le cœur et l’amitié comme uniques trésors. Un peu de chaleur humaine dans la froideur de nos existences.


Je suis un étranger. Partout où je passe. Mes vêtements trempés sèchent au coin du brasero. Des flammes sur le quai d’un port de fortune. Qui embrasent le ciel. Bien mieux que n’importe quel phare au bout de la jetée. Mémoire de ces feux qui dansent jusqu’au bout de la nuit et dans lesquels j’aperçois, certains soirs, crépiter les éclats de rire de ce môme. Et les larmes perlant sur les joues de celle qui pensait me retenir. Silence empreint de pudeur. Car je n’ai rien vu. Comme bien souvent. Le regard franc, jamais de biais. Ce que l’on m’a transmis. L’Honneur de l’Homme debout. Mais la fierté, cet orgueil mal placé quand on évoque les sentiments amoureux, procure parfois de vilaines œillères.


Je suis un étranger. Partout où je passe. Je n’ai que faire de tes frontières. Quand saisiras-tu que ce découpage virtuel cautionne l’idée d’appartenance donc par corrélation, d’exclusion ? Mon pays est l’univers. Je suis sans papiers, sans domicile fixe, sans droit de vote, mais mon statut est gravé au fronton de tes écoles et de tes mairies. Je suis libre, ton égal, à jamais en quête de fraternité. Salut à toi, ô mon frère.