Salut lecteur du Cri Pirate. Hurlement funeste du flibustier devrais je écrire. Car nouvel hommage à un récent disparu.
Alors oui, ça y est, je te devine déjà l’œil éteint, l’index prompt à glisser
sur la vitre de ton Aïe pad 747 afin de faire défiler à toute berzingue les
sites marchands de bonheurs éphémères étiquetés « Joyeux Noël ».
Tablette high tech fin 2013 mutant low coast dès janvier 2014. Obsolescence, un
des vocables préférés du geek. Bref. Revenons au sujet du jour. Même si l’amical
Nelson du navire sud africain mérite amplement les témoignages d’affection de
son peuple bien plus que les larmes de crocodile découlant d’une nauséabonde négrologie
pondue par une poignée d’afrikaners nostalgiques du temps jadis, figure-toi
que ce n’est absolument pas de ce dernier dont je souhaitais t’entretenir. Mon
disparu à moi a eu l’humilité de larguer les amarres en catimini. Et toujours
ce sentiment salement mélancolique de ma jeunesse qui se barre à vitesse supersonique. Donc parlons de
mon père. Attention, pas de quiproquo, le mien de paternel se porte comme un
charme, je te remercie. Te fais pas de bile, l’ancien solide comme il est, il devrait
t’enterrer toi et toute ta famille, charognard de lecteur ! Non, je vais plutôt
évoquer l’UN de mes pères. Spirituels s’entend. Brel, Brassens, Desproges, et
Dard avaient ouvert le bal et creusé un peu plus le sillon de mes errances nocturnes,
culturelles et solitaires. Et voilà que ce diable de Jean Louis Foulquier décarre
à son tour rejoindre le bistrot des anges si cher au rouge gorge de Paname.
Captain Café. L’unique
« pollen » qui laissait mes allergies en veilleuse. T’avais pas le
droit, Jean Louis. Dorénavant, qui va me faire découvrir, sans cette voix embrumée
par les plaisirs et douleurs de la vie, les nouveaux talents musicaux de ce putain
d’Hexagone ? Lenoir mais surtout tézigue avez été mes sessions
radiophoniques de chevet. Panachage de confessions feutrées et de tonitruants fous
rires. Amitié, loyauté, et fidélité des Lavilliers, Higelin, Thiéfaine, Couture,
Personne, Kent, Miossec et j’en oublie. Peu importe le temps qui se fait la
malle. Ceux-ci seront toujours vivants. Ferré les baptisait les drôles de
types. Sculpteurs de rimes, orfèvres ciseleurs du couplet, bâtisseurs de refrains pour
l’éternité. Quant à ceux que l’on appelle pompeusement la nouvelle scène
française ? Let's go. N’importe quoi pourvu que ça bouge. Punk, rock, jazz, rap, acoustique, slam, je m’en balance. Que la langue vive.
Que les mots, les idées, les images s’entrechoquent. Pas de discours foireux et
insipide de bicorne à dorure du quai Conti, s’auto qualifiant d’immortel (bien
moins que tes invités, mon Jean Louis !) de manière si présomptueuse. Pas non
plus de pseudo analyse économique sur les ventes de CD ou téléchargements à
t’en décrocher la mâchoire d’ennui. Juste du miel poétique tartiné sur des
notes chaudes et colorées.
Eté 2013. La Rochelle. J ’ai jeté l’ancre une
poignée d’heures dans cette belle cité. Confortablement installé à la terrasse
d’un bar du vieux port, les premiers reflets d’août s’égarent au fond de mon bock.
Couleur ambre. L’esprit vagabond. Vue sur les tours menant à l’entrée du
chenal. Un symbole. A la fois gardiennes d’un riche patrimoine culturel mais
aussi tournées vers l’aventure, l’exploration, la découverte de nouveaux
horizons. J’y retrouve l’âme de deux enfants du pays. Bernard Giraudeau et Jean
Louis Foulquier. Bon vent les gars. Dans le brouillard ambiant des nuits sans
sommeil, modeste phare du souvenir, je veille.