samedi 22 décembre 2012

L'amer Noël du fils du père Fouettard

Je suis las. Physiquement et moralement. Sûrement comme toi, lecteur. Les fins d’années se suivent et se ressemblent. Durant l’enfance, les fêtes de Noël me maintenaient au moins le moral au beau fixe. La neige sur les toits et trottoirs de ma ville, les lucarnes éclairées jusque tard dans la nuit, les cadeaux au pied du grand conifère fraîchement coupé. Puis vers la fin de l’adolescence, pfuiiit. Disparue la magie. Aujourd'hui, j’attends le 1er février. Impatient. Parce que toujours un con pour te courir après avec ses vœux en claironnant qu’il a jusqu’au 31. Au secours. L’envie irrépressible de prendre mes jambes à mon cou. Mais il me rattrape par la manche. Alors je lui serre la main ou lui tape la bise en espérant qu’il passe sous une bagnole dans les douze mois à venir. Finalement, l’odeur du sapin ne m’a pas tant quitté que ça. Bon ok, c’est Noël.  Souhaitant quand même que le gars s’en sorte. Juste une guibole au père Lachaise ou les deux. Mais ça ne marche jamais. Avec le nombre de mains serrées et de joues léchées chaque début d’année, les culs de jatte, ça devrait courir mes rues. Même pas.

Comment on ne désire pas le malheur de son prochain ? M’en fous. Mon prochain n’a qu’à posséder un minimum d’humour afin de flinguer les rituels lourdingues. Ca va finir par se retourner contre moi, dis tu fidèle lectrice du flibustier, petit blog pourtant sans horoscope ni prétention. Raisons pour lesquelles je me demande ce que tu fous encore là. Je ne suis pas superstitieux. Ca porte malheur. Ouarf, ouarf. Tiens, au passage, voilà une communauté qui me hérisse le poil. Les grands adeptes des petites croyances. Qui te serinent avec, pour tout geste du quotidien. Toucher du bois pour conjurer le mauvais sort, par exemple. Pensée amicale au bûcheron qui, un beau jour, se prend son arbre sur le coin de la tronche. Mais sans doute s’était-il levé du pied gauche. Je ne suis pas persuadé que cela fasse s’esclaffer les unijambistes… de droite. Stop. Je passerai sous silence les plus fanatiques qui te pousseraient sous une échelle pour éviter de croiser un chat noir.  

Ta crédulité légendaire servira toujours de fonds de commerce aux charlatans de la voyance. Le canular préféré d’un vieux pote. Prendre rendez-vous chez une Mme Irma de pacotille, s’asseoir en face d’elle et lui retourner une mandale de compétition en lui demandant si elle l’avait vue arriver. Il a stoppé net la plaisanterie. Il arrive un âge où son record collégien du 100 mètres ne suffit plus pour semer le vrai rottweiler de la fausse voyante, animal remarquablement dressé capable de lire dans tes boules ou les lignes de ta main. Enfin, de ton moignon. Mais peut-être existe-t-il de par le monde ce clown de prophète, enfin voulais-je dire cet auguste augure ? Bien que cela me paraisse aussi improbable que de trouver un calendrier des postes maya de 2013… Je te laisse à tes chimères. La faim de mon monde est proche. Tant mieux, la boulangerie aussi. Ne pas oublier la bûche. Pour douze personnes. Tu pourrais me remercier naïve lectrice en cloque. Tu ne devrais pas être loin de la fausse couche en parcourant mes horreurs proférées. Sans quoi nous étions treize à table.

dimanche 16 décembre 2012

Alain sous miss


Il ne faudrait pas vieillir. Sombre pensée revenant en boucle quand j’observe ou écoute un être chéri qui me déçoit. Que ce dernier fusse connu du grand public ou simplement proche de moi, d'ailleurs. Cette semaine encore. Alain Delon. Non lectrice septuagénaire voire moins, ne commence pas à te précipiter, petite culotte au vent, sur les chemins menant à mon humble demeure des fois que le Tricao soit cousin, neveu ou fils illégitime de star. Ni toi lecteur, toujours prompt à venir ricaner sous mes fenêtres sur mes goûts cinéphiles archaïques comme l'abruti séculaire que tu es. Oui, je suis fier de penser que celui qui incarna Francis dans Mélodie en sous-sol est un des plus grands acteurs encore vivants et je t’emmerde. Un homme qui a tourné sous la direction de Melville, Visconti, Clément, Lautner, Deray, Losey, Verneuil ou autre Bertrand Blier ne peut m’inspirer qu'une haute considération. Oui mais voilà, c’était avant le drame. Le zapping dominical m’a tué. Le petit écran a flingué mes dernières illusions.

Alain, vous permettez que je vous appelle Alain ? Non ? Bon alors Roger, comme le fameux Sartet, associé malfaiteur victime de siciliens réputés pour leur honneur tatillon. Ou alors Hugo, à l’instar du gitan dépeint sans loi mais avec foi par José Giovanni. Mais je continuerai à vous vouvoyer, Monsieur Delon. Par respect. Bref. Alain, pourquoi aller se perdre définitivement dans cette supercherie digne d’une foire bovine qu’est cette élection du plus beau croupion hexagonal accompagné de pommes plus dauphines que les autres ? Je parle à l’esthète, au charmeur, à celui qui fût le symbole d’une galanterie hélas désuète. Au prince qui a côtoyé la beauté fatale de reines comme Romy Schneider et Claudia Cardinale ou le caractère bien trempé d’une Simone Signoret. Est-il possible que le Tancredi du Guépard s’efface devant les hyènes télévisuelles ? Que la Tulipe Noire devienne mauvaise herbe au contact du ciment brut de la Bouygues Company ? 

Vous vous définissez souvent sous l'appellation d'« homme libre ». Mais la liberté n’est pas d’accepter n’importe quoi. De frayer avec n'importe qui. Question de choix. C’est le vôtre. Ok. Tant pis. Je me contenterai de ressortir des cartons mes vieux DVD comme Mère Grand devant son classeur de photos jaunies d’où s’échappent mélancolie et nostalgie du temps jadis. Roch Siffredi, Gino Strabbliggi, Corey, Robert Klein, Edouard Coleman, Xavier Maréchal et le silencieux Jeff Costello seront sept images gravées à jamais dans ma mémoire. Ma famille Delon. Bonne pioche. Vous êtes avec Belmondo les derniers mohicans de ce que les maudits cons appelaient péjorativement le cinéma à Papa. Je vous tire mon Borsalino à ce titre.

Il n'y a pas de plus profonde solitude que celle du samouraï. Si ce n'est celle d'un tigre dans la jungle… Ou celle d’un aficionado delonesque devant Miss Charolais. Adieu l'ami.

dimanche 9 décembre 2012

Noir délire



« Si tu étais une couleur ? ». Question insolite tôt le matin devant mon mug. Pas moyen de déjeuner en paix. Plus rien ne me surprend sur la nature humaine. Eicher avait raison. Melle Proust attablée en face de mézigue, le stylo bien en pogne. Ifop ou la Sofres ? Toutefois je pencherais davantage en faveur d’un portrait chinois pondu par Djeun’s Mag, le mensuel des boutonneuses smartphonophiles et parentophobes.
Fulgurance de ma réponse malgré le brouillard régnant dans toute cafetière à cette heure vespérale. Une couleur ? Le noir. Nero. Schwarz. Negro. Black. Quoi pas une couleur ? Ben tiens.

Noir comme le caoua du condamné au travail forcé qui me donne les pulsations suffisantes pour entamer ce marathon quotidien de l’existence. Mon seul dopage mais multi doses.
Noir comme le regard de ta mère quand je ne me souviens plus ce qu’elle vient de me dire trente secondes avant.
Noires comme mes idées devant la trotteuse de ma tocante qui file à la vitesse de ton enfance bientôt révolue.
Noir comme l’humour dont j’aime à me servir en tant qu’arme factice pour te provoquer, te titiller dans tes certitudes, ou par simple politesse du désespoir que m’inspire le reste de l’(in)humanité. 
Noirs comme les genres littéraire et cinématographique qui me poussent à ouvrir des portes, à aller à la rencontre d’auteurs me dévoilant l’évasion ou l’écorchure comme une nécessité.  
Noirs comme les doigts du guitariste de génie faisant pleurer sa Stratocaster sur Red House, témoin virtuose de la rencontre des notes de couleur autour du blues, du jazz, du rock, de ce que tu veux mais vivantes à jamais.
Noire comme la nuit, mon royaume peuplé de princes et de fantômes, de bons apôtres et de vauriens, de poètes et de bohémiens.

(Interlude musical. Caser Jimi Hendrix et Daniel Guichard dans le même billet, t’avoueras lecteur que t’en as pour ton fric, toi l’abonné gratuit du cri flibustier !)

Noire comme la représentation sobre et ultime de l’élégance vestimentaire jamais très éloignée de celle de l’esprit si chère à mon cœur. Ne te méprends pas lectrice, il m’est arrivé de croiser d’accorts clodos et de déguenillés snobinards.
Noir comme le drapeau qui incite à la révolte, à la mutinerie, elles mêmes issues de la colère salvatrice. Colère noire évidemment, perspicace lecteur.
Noir comme le mouton pointé du doigt par la clique bêlante et pour qui je conserve malgré tout une oreille attentive.
Noir comme cet écran d’ordinateur devant lequel je cherche l’inspiration toujours dans l’urgence alors que rien ni personne ne me l’impose. Juste le mode d'écriture du scribouilleur paresseux ?

Alors, m’dame Ipsos, heureuse ? Comment ça, ma réponse ne rentre pas dans les cases ? Clooney, remets la tienne avant qu’j’te flingue, l’ami Ricoré ! What else ? Un demi-sucre. Puis non tiens, noir.

dimanche 2 décembre 2012

Ma blonde n'a plus le feu au cul



31 mai 2003. Ca nous remonte loin dirait Céline. Et pourtant comme si c’était hier. Mon divorce. Non pas que j’y pense tous les jours mais presque. On ne se remet jamais vraiment d’une séparation. Je la revois souvent. On se fréquente mais en préservant cette distance. Celle des « ex ». Fil barbelé invisible néanmoins tellement présent. Peur de retomber morgane d’elle ? Assurément. Même si depuis belle lurette nos amours sont consumés, elle ne me paraît pas non plus insensible. Elle devine mes pensées. Si j’osais et sans prétention aucune, je dirais même qu’elle continue à me provoquer. Me fait de l’œil, la garce. Une vraie allumeuse quand elle s’y met. Je reste de marbre jusqu’au jour où… Mémoire de l’abbé Brel et de sa Mathilde. Faut dire qu’elle est toujours aussi désirable. Frêle et longiligne, ses courbes parfaites, légèrement arrondies, juste ce qu’il faut, goût éternel de "reviens z'y". Une beauté incendiaire.

Tourner la page ? Très difficile. Les proches, les amis, les collègues me rappellent inlassablement à son bon souvenir. Je suis loin d’être le seul à qui cela est arrivé. J’en suis conscient. Quand tu vis avec elle, depuis plus de quinze ans, tout ne s'évapore pas comme ça. On respirait le même air, à l’unisson. Mon oxygène. Et puis le trop plein. Sensation d’oppression. Un air devenu irrespirable. Le besoin de souffler, d’aller voir ailleurs. Ca fera jaser les cons, les pousse mégots, tant pis, mais je suis allé loin, très loin. Jusqu’à virer ma cuti. Pour voir. Ne pas mourir idiot. Un petit cubain. Simple passade. Et puis j’avale pas.

Mais bien sûr que j’ai fini par la haïr. De toutes mes forces. A ne plus pouvoir la regarder même en peinture. Son portrait partout. Obsédant. A devenir dingue. Des crises qui s’amplifient, de faux départ en faux départ, jusqu’à l’irréparable. D’ailleurs, c’est moi qui l’ai larguée. Je ne m’en vante jamais. Certains le font par fierté. Pas mon style. Toujours garder en mémoire le jour où tu lui as déclaré ta flamme. Nous étions sans doute trop jeunes. Faire bien devant les copains. Montrer qu’on est un Homme. Si j’avais su que les mâchoires du piège se refermaient. Sans regret. Sa compagnie comme extincteur de ma solitude.

Voici lecteur, j’espère ne pas t’avoir ennuyé avec mes peines de cœur. Peut-être trouves-tu que j’ai l’humour éteint cette semaine. Besoin de s’épancher sur mes amours défuntes. Je ne voulais pas. Le petit angelot et le diablotin perchés sur mon clavier comme conseillers. « Faut en parler, Tricao, en bien ou en mal mais ça te soulagera ! ». Alors voilà, bientôt dix années parties sans fumée, amie fidèle et vénéneuse, tu me manques. Poison de mon esprit, sur mes lèvres, au bout de mes doigts. Ma cigarette, ma cibiche, ma sèche, mon clope, mon bout d’mégot, mon clou de cercueil. Me reviennent inlassablement tes volutes et arabesques incandescentes. Dansent les gitanes jusqu’au bout de ma nuit.