jeudi 25 octobre 2012

A mon Tour


Dire que j’attendais avec impatience cette fin de mois. Découvrir enfin le parcours de la centième édition du Tour de France. Ce qui fait qu’à mes yeux, juillet est le plus beau mois de l’année. Trois semaines de devoirs d’été à redécouvrir notre géographie avec Paulo la Science comme instituteur. Le calcul mental approfondi grâce aux écarts infimes de majestueux contre-la-montre de plaine ou plus conséquents lors d’échappées montagnardes. La puissance des braquets employés comblant nos lacunes de techno physique. Ce début d’été prochain, les yeux rivés sur le programme des heures de passage du peloton bariolé, perché sur un tabouret de bistrot de ville étape, j’aurais trinqué en compagnie des fantômes de Blondin, Chany et autre Brouchon. Eux qui ont connu l’ultime échappée.

Mais les marchands du temple ont encore tout salopé. Relayant la Grande Boucle au rayon promotions chez Dopage land. Quand la chimie prend sa revanche sur les autres matières. Déjà le coup mortel des oreillettes de course aurait dû nous mettre la puce à… l’oreille. « Ils » étaient en train de tuer le panache et le suspense. Puis les mythiques maillots devenus guenilles. Jaune comme un échantillon d’urine frelatée. Les pois rouges de honte et bientôt convertis en rayures de bagnard. Vert comme l’éternel espoir une fois de plus bafoué. Les forçats de la route déroutés. A se planter un rayon de vélo dans le bras en guise d’injection mortelle. Vision cauchemardesque de mon Tour titubant comme Simpson sur les pentes du Ventoux 67.

Rien à battre. Ils ne l’emporteront pas au paradis des tourneurs de manivelles. Ma petite reine va redescendre de sa tour d’ivoire et faire chasser ces fous par son preux chevalier. A l’instar du pékin téméraire devant les chars de la place Tian Anmen, je me planterai avec mon biclou devant la voiture-balai parrainée par Pognon & Fils. Je remonterai  le gruppetto avec la bravoure du simple porteur de bidon. Puis de déchirer les tribunes charognardes issues des mêmes quotidiens que l’on glissait sous le maillot avant de basculer dans des descentes vertigineuses.

Même si il est trop tard car les chiens continueront d’aboyer une fois la caravane trépassée. 

vendredi 19 octobre 2012

Jet d'ancre et impressions


Putain de météo. Encore que. Un mal pour un bien. Le soleil a rendu les clefs laissant place aux intempéries automnales. Révolu le temps des escapades motardes et rêveries du fond d’un hamac ombragé. Le grizzly a rejoint sa tanière. Bienvenue non pas au vélo d’appartement (quelle connerie !) mais à mes divines lectures sur divan moelleux. Oui, facétieux lecteur, même mon canapé lit. Ouarf, ouarf.
La lecture. Celle que l’on nomme pompeusement « littérature » dans ta petite lucarne. Lire. Comme une drogue. Tout ce qui me passe sous la main. Du bulletin municipal au dictionnaire en dix volumes. Sans oublier le cri du polar le soir au dessus des rayons de ma bibliothèque qui m'invite derechef. Peux pas résister. Le pirate happé par les sirènes. Bouquins acquis de-ci de-là, au hasard de mes pérégrinations dans de modestes salons du livre provinciaux. Pas bégueule, le manuscrit, il s’adapte à l’environnement. En vrac dans des cagettes sur les étals de marché ou sur ceux de vieux bouquinistes, clope au bec, godet de blanc dans une main et roman policier dans l'autre, bien planqués à l’ombre des platanes bordant le fleuve (noir) et ses rivages (noirs).

Et ne viens pas me causer de livres numériques. A l’ancienne, Lucienne ! Tellement peur de perdre les sensations. Manipuler un ouvrage sous toutes ses coutures, tourner avec délicatesse une simple page, retrouver une fois encore l’odeur du parchemin calligraphié. Imprimeur de St Amand Montrond dans le Cher, dealer d’encre noire de mes nuits blanches, je te salue !

Mais par quoi débuter, juvénile lecteur ? Roman, biographie, nouvelle ? Peu importe. Alors file voir ton p’tit libraire, ta gentille bibliothécaire, et embarque pour l’aventure. Franchis la passerelle. Hisse la grand-voile. Largue les amarres. L’évasion. Le voyage imaginaire à peu de frais. Mieux que le cinéma. Tu choisis tes décors et tes acteurs. D’où le problème de l’adaptation sur grand écran.  Rarement en osmose avec ce que tu avais imaginé.
Des auteurs comme autant d’escales. Un écrivain en appelle toujours un autre. J’ai commencé adolescent par un texte de Desproges qui mentionnait F. Cavanna qui évoquait F. Dard qui citait L.F. Céline, etc, etc… Tu m’as compris. Contre-pied parfait d’un prof' de collège qui nous faisait parcourir le chemin inverse en débutant par le « classique » sans posséder le bagage adéquat. Un coup à te former des légions de followers décérébrés. L’horreur. 
Je te laisse. Cendrars le bourlingueur m'attend depuis trop longtemps sur la jetée. Je lève l'encre de nouveau.

jeudi 11 octobre 2012

Le drapeau noir flotte sur la marmotte


Un cri pirate. Pourquoi ce blog a-t-il été baptisé ainsi ? Excellente question, ami lecteur. Je te remercie de ne pas me l’avoir posée avant. « J’aurais dû commencer par ce post » dis-tu ? Ouais. Ne sachant toujours pas où cette saga scribouillarde va nous mener, comment prévoir un quelconque ordonnancement dans mes billets d’humeur, petit malin. Et puis je fais comme je l’entends. Seul à bord. « Tais toi et tape » persifles-tu. Bon ok. Forçat du clavier, je me remets à la tâche comme le galérien pousse sur son aviron lorsque le capitaine a décidé de faire du ski nautique.

Alors primo, cette locution de hurlement pirate est tirée d’un des plus beaux écrits de la chanson française. Ferrat dans le texte. « Je ne suis qu’un cri ». Braver l’interdit, exprimer sa révolte. Une grenade dégoupillée dans la mare des jacasseries quotidiennes. Voilà pour le sens figuré.
Secundo, l’imagerie corsaire m’a toujours fascinée. Depuis tout môme. Brel reprochait à ses aïeuls de lui avoir chouravé le Far West de son enfance. Pour mézigue, c’est la piraterie. Arpenter le pont d'un brick ou d'une frégate, manipuler voiles et cordages auprès des Long John Silver, Barbe Noire, et autres Jack Sparrow. Bien que pour ce dernier, je l’ai connu  sur le tard. Mais quand ton dabe se nomme Keith Richards, forcément I can get satisfaction…

Je te vois venir, gentille lectrice. Déjà à me taxer de misogyne en me reprochant de n'évoquer encore et toujours que la gent masculine. Si je te cause de Bloody Mary, tu vas te demander si je n’ai pas préalablement sniffé le Tabasco contenu dans ce succulent breuvage. Erreur grave. Ce fût tout simplement le surnom de la plus célèbre flibustière que les océans  aient porté. Mary Read de son état civil. Courageuse et insoumise.

Compagnons conchieurs d’étendards en tous genres, avouez quand même que le pavillon corsaire flottant au vent pousse à la rébellion, à la mutinerie internationale. Tu ne me crois pas, sceptique lecteur ? Par ces temps de crise mondiale, la flibuste va signer son retour. Planquez vos barques les marins d’eau douce, et vous les plaisanciers de la finance vos galions devenus yachts de luxe. Ca va tanguer. Foi de Haddock. Ou plutôt de Rackham le Rouge. Parce que si tu préfères zyeuter du côté des promesses électorales, autant aller filer la main à la marmotte pour mettre le chocolat dans le papier alu.


jeudi 4 octobre 2012

Vieux motard que jamais




Les jours suivent et se ressemblent. La radio me crache dans le caoua matinal un énième allongement de la durée de travail. Madame Retraite ricane en compagnie de Monsieur Roblot devant la file d’attente de la boutique Paul Emploi. En attendant, ma place est dans le traffic, cabrelisais-je. Moto, boulot, dodo. Mais MOTO. Chevaucher triomphalement mon fidèle destrier sorti d’Hinckley. Plaisir futile quotidien. Même pas une question de vitesse mais de liberté. Bien mieux que le train, le bus, le métro ou la bagnole. Sensation d’indépendance pour misanthrope claustrophobe. Toujours ce sentiment de partir à l’aventure. Rêve hélas éphémère. Into the wild rattrapé au lasso par Brazil.

Un matin, je ne vais pas m’arrêter. Bref mais rageux coup d’accélérateur. Laisser ce job en carafe. Finies la routine et les sempiternelles lamentations météorologiques des collègues, les maigres congés surlignés du calendrier mural dignes d'un bagnard gravant ses bâtons quotidiens sur les murs de sa geôle. Gaz. Crazy rider. Destination inconnue. Pluie d’escales infinie. Juste la Route avec un R majuscule. Le feu a un pouvoir hypnotique. Personnellement, ce sera davantage les flaques d’eau virtuelles au bout des lignes droites noyées sous le soleil brûlant me guidant toujours vers d’autres contrées. Mes lectures sanglées sur le porte bagage. Le Voyage de Céline, Kerouac ou Mac Carthy dans leur périple apocalyptique. A l’instar de Redford murmurant aux oreilles de la Jolly Jumper’s family, je fredonnerai à mon pur-sang d’acier les refrains de deux honorables contemporains du rock. Born to run et on the road again. Madame Retraite évanouie dans le fond des rétroviseurs. Paul Emploi aidant Monsieur Roblot pour la mener à sa dernière demeure.

Mais il est tard, monsieur… Faut que je rentre chez moi…