dimanche 20 janvier 2013

Le bonheur de partir en Live


Trente piges. Environ. Que je traîne mes pompes dans les concerts. Une de mes drogues favorites. J’ai commencé jeune. Poussé par le fait que les tympans parentaux étaient hermétiques aux musiques contemporaines crachées, certes un peu fort, par les enceintes de la chaîne hi-fi familiale. Et tout ça m’est resté. A traversé les décennies. Eternel sale gosse. Génération Enfants du Rock. Un des rares instants où  être au milieu de la foule ne me gêne pas. Peut-on causer d’agoraphobie intermittente du spectacle, docteur ? Mais je me soigne. Les stades ou palais des sports côtoyés naguère ont laissé place aux scènes plus intimistes. Hormis une grosse cylindrée de temps à autre. Probablement aussi que les artistes que je vais écouter sont moins sous les feux de l’actualité musicale. Dernier bastion de fidèles. Mais gaffe, le style vintage revient. Age tendre et têtes de bois. Non je déconne. Je n’ai encore découvert aucun de « mes vieux » sur les affiches de ces tournées. Ouf. Restons sur nos gardes. Les salles que je fréquente rajeunissent mais je croise encore des aficionados de la première heure. On s’observe comme des dinosaures majestueux. Fiers d’avoir assisté aux origines du groupe ou du chanteur qui blanchit lui aussi derrière son micro. Jour J. Tout un cérémonial. 19h00 fin prêt. Deux ou trois CD dans la boîte à gant de la bagnole pour se refaire le concert, tout seul ou en bande, à tue-tête, sur le chemin du retour à la casbah. Vieilles baskets, paire de jeans ayant déjà ciré pas mal de sièges de tribune et de barrières métalliques de files d’attente. Simple tee shirt sous une antique veste de cuir noir brulée à la manche droite par un mégot tombé d’une bouche abasourdie lors d’un solo de batterie assourdissant. Et oui, juvénile lecteur amorphe mais sous ecsta’, je te parle d’un temps où l’interdiction de fumer dans un lieu public clos était enfouie dans les brumes opaques surplombant nos têtes de jeunes loups des mers. Pardon, des concerts.

20h00. Arrêt au zinc le plus proche de la salle. Humer l’ambiance.  Parfum électrique ou pas. La pression monte ? J’en descends une. Juste quelques gorgées d’alcool dans le calme avant la tempête de décibels. Tenter de se remémorer le dernier live vécu tout en se promettant de ne pas laisser autant de temps avant le prochain. Puis parqué devant l’entrée sous l’œil goguenard de la Municipale qui se demande ce qu’elle fout là, à l’heure de la sacrosainte météo d’Evelyne Dhéliat suivie des Experts. On ne devient pas flic, on finit flic, audiardisais-je. Le vigile taillé en V dans sa parka fluo XXL déchire mon billet proprement en me souhaitant un « bon concert ». Pléonasme piratesque. Un second me fouille pour voir si je n’ai pas d’arme. Aucun risque, Sheryfa Luna et ses fans ne seront pas présents ce soir. Je rentre dans l’arène. Au fil des années, je recule dans la fosse aux lions. Place aux mômes. J’ai même commencé à goûter aux tribunes. « Assis ! » me rabroue-t-on souvent quand n’y tenant plus, je grimpe debout sur mon siège au rythme des guitares saturées. J’obtempère ou je descends rejoindre la régie dans le fond de la fosse. Retraité du pogo l’Tricao. Pas être ridicule non plus. Les roadies, badge autour du cou, font les derniers réglages. Test de micro. Ultime tintement involontaire de cymbale. Les guitares rutilent sur leur trépied. Les impatients du premier rang commencent à siffler. Ca tape du pied dans les gradins. Les régisseurs mettent leur casque sur les oreilles. Signe annonciateur que le compte à rebours est définitivement lancé. Les lumières décroissent. Mon pouls augmente. Noir presque total. Je peine à distinguer quatre frontales guidant les musicos vers leur instrument fétiche. Tout bascule. Je ne touche plus terre. Pluie de notes sur un junkie en apesanteur.